Ce récit est la chronique au quotidien d'un séjour scientifique sur la base étasunienne de McMurdo en Antarctique, pour le lancement de l'expérience CREAM (Cosmic Ray Energetics and Mass), collaboration États-Unis/France/Italie/Mexique destinée à l'étude du rayonnement cosmique nucléaire. La base de McMurdo est située dans la baie de Ross sur l'ile du même nom, dans la partie du continent qui fait face à la Nouvelle Zélande à environ 4000 km. Ce pays héberge la base logistique de la station dans la ville de Christ-Church et c'est de là que partent tous les vols pour McMurdo et South-Pôle (figure).
Dimanche 28 décembre 2008
12h54, Magali est emmitouflée dans sa douillette et élégante doudoune blanc ivoire sur le quai de la gare de La Rochelle. La
porte du TGV se ferme doucement entre elle et moi. Il fait un froid glacial, rare dans cette région, surtout dans l'île.
C'est parti pour une longue route. Je me coule dans mon siège et je rattrape ma lecture en retard du Courrier International. Somnolence épisodique dans une paix qui ne m'est pas habituelle. Celle des problèmes laissés derrière moi en attente pour une longue parenthèse. Celle des vacances quoi. Le train ronronne, je goûte la saveur acidulée du départ vers une destination lointaine, la plus lointaine qui soit sur notre bonne planète depuis le clos du Boutillon dans l'île de Ré.
A Paris, la ligne RER B pour Roissy est bloquée. Murphy frappe sans prévenir. Heureusement, j'ai le temps de contourner le problème. Pas de panique. Il nous est proposé de prendre le train de surface à Gare du Nord, ce que je fais.
Je suis au terminal 2C à Roissy-CDG à l'ouverture de l'enregistrement du vol d'Emirates.
L'hôtesse, jeune, un peu corpulente, qui m'enregistre, est manifestement débutante, aidée par une aînée. Elle porte un bracelet
de deux rangs perles qui ont l'air de sortir de leur huitre, et une bague monumentale à trois rangs de pierres qui flamboie comme le diable. On sent l'influence opulente des émirats pétroliers. Sourires de convenance. Bonne compagnie.
Retard à lembarquement annoncé, une heure : "problème opérationnel !" disent-ils. On connaît la langue de bois chez Emirates.
Le commandant de bord plus tard n'en a pas dit plus. Là encore, la correspondance à Dubaï est suffisamment confortable pour
résister à ce retard.
Mon voisin de siège est étasunien. Nous échangeons quelques mots après que je l'ai salué. Les seuls que nous
échangerons au cours du vol. Il sest enfoui ensuite sous son casque découte et n'a plus communiqué qu'avec son écran tactile.
Vient l'heure du dîner, moment privilégié de tout vol commercial. Correct. Je choisi le vin du Languedoc, assemblage
syrah-cabernet, pas miraculeux mais irréprochable.
Quelques heures de bon sommeil naturel avec Don-Juan en boucle dans les oreilles. J'arrête la deuxième audition après l'air vengeur d'Elvire. Je me réveille juste avant que l'heure officielle ne sonne au clocher du poste de pilotage. Nous commençons la descente. Emirates n'a toujours pas découvert les vertus du petit déjeuner. C'est à peine s'ils servent à boire avant l'atterrissage, et on n'a donc que le choix de harceler les hôtesses ou de crever de soif.
L'horizon est vermillon, puis dégradé en jaune puis en vert et en turquoise, plus haut le ciel est encore obscur, sans couleur
véritable. Le jour s'annonce en beauté. De grands bancs de nuages moutonnants dessinent de beaux motifs sur un plateau
nuageux plus continu dont les bords effrangés laissent apparaître en dessous le fond gris opaque des eaux du golfe qui dorment
encore. Quelques torchères nous rappellent la dévastation qui courre.
Une petite tache carrée, pâle, flotte loin en dessous de nous, qui n'est pas un iceberg bien sûr. Je ne saurai jamais quoi.
Finalement la lumière du jour se déverse doucement sur la mer qui s'éveille sans empressement, prélude à la fournaise qui va suivre. On aperçoit l'écume du premier bateau qui étire sa traînée d'argent.
Descente. L'horizon se dissout dans une frange de brume. Nous survolons un banc de sable ocre que le ressac frange d'un liseré blanc qui annonce la côte, vite franchie. Paysage de sable d'abord, puis des bassins rectangulaires, des conteneurs
colorés et des grues d'une zone industrielle. Nous rasons une autoroute qui achemine le flux matinal quasi universel des pays dits modernes. Les Dubayens vont au boulot tous ensemble, à la même heure que partout ailleurs, sauf en Espagne. Gaz coupés, arrondi, toucher. La piste nous accueille avec une molle bienveillance. Sur la gauche les grandes tours de Dubaï émergent fantasmatiquement de la brume. L'appareil tourne vers son terminal d'arrivée et démasque le disque du soleil qui perce à travers la brume, un peu
menaçant, annonçant la fournaise qui va suivre.
Débarquement. Contrôle sécurité. L'aéroport de Dubaï est un supermarché gigantesque, démesuré et permanent. Il tourne 24h par jour, avec des boutiques sur des centaines de mètres.
Je meurs de soif, exactement comme l'an dernier. J'achète une bouteille d'eau minérale avec un billet d'un dollar. Monnaie en
dirhams. Tour du champ de foire. Coup d'œil sur les whiskies. Ils sont là, nombreux, et rassurants. Nous verrons au retour. Je file vers la salle d'embarquement.
Le vol pour ChristChurch (CHC) est à lheure. Un A340 pas très bien équipé. On y est trop serrés, bien plus que dans le Boeing
777 de Paris-Dubaï.
Mon voisin est sympa. Un allemand résidant à CHC. Il coordonne lagriculture biologique dans lîle sud. Il arrive de Hambourg où il
est allé voir son père (qu'il a enfin battu aux échecs, 3 fois, Oedipe toujours là). On bavarde un bon moment. Je lui raconte CREAM.
Les paysages de la première partie du vol sont toujours aussi fantastiquement beaux. Les montagnes du sud de lIran sont
dune fascinante splendeur. On aperçoit des villages incroyablement isolés au milieu de massifs montagneux infinis. Je mitraille un
peu.
Paysages de désert de sable ensuite, aux ocres somptueux.
Puis nous passons de la côte sud de lIran ou du Pakistan. Cet univers de sable et de turquoise finement brodé de blanc est aussi une fête de la même beauté minérale. Des images anciennes me reviennent. Je pense à Monfreid, Mac Orlan, à Fortune Carrée qui fit tant rêver mes 15 ans, daventures en ocre pâle et turquoise. Trop courte évocation. Nous abordons la monotonie de la grande diagonale à travers locéan indien, à la rencontre de la nuit. Locéan est uniforme. Je fais un, ou plusieurs sommes. Réveillé par steward qui distribue des sachets de biscuits apéritifs. Je prends une bière. Puis le déjeuner est servi. Semblable au dîner du vol précédent. Jarrose mon luxueux plateau dun merlot chilien, assez bien. La distraction de bord propose une centaine de films. Je regarde Vicky-Christina-Barcelona (W Allen). Je suis plutôt morose au début, mais franchement enthousiaste à la fin. Un peu de lecture ensuite : "Précis dhistoire Africaine à lusage de (Sarko 1er )" ouvrage collectif réalisé en réponse au discours de Dakar, où japprends énormément de choses, même si tout nest pas du même niveau. Cadeau d'anniversaire. Jespère que le dédicataire l'a lu. Vers 13h (heure de Paris) je lève le rideau du hublot. Le jour sest effacé. Le paysage en dessous de nous et au loin sest couvert dimmenses bancs de nuages. Le soleil est derrière une grande tour de cumulus, congestus sans doute, quil irise de teintes incendiaires. Tout lhorizon sembrase rapidement, dun rouge puissant, incandescent. Il est barré de minces bancs de nuages sombres, anthracite. Les masses de nuages entrelacés, superposés, étirés longuement sur lhorizon ou sélevant en tours vertigineuses, dans les flammes de la fin du jour, forment une composition dune beauté somptueuse comme on nen voit que du ciel des aviateurs.
En avant plan, sous l'horizon, la débauche de lumière fait place à un panorama d'une infinie sérénité, à la poésie un peu lugubre des sombres nuances crépusculaires. Le contraste est saisissant. La mer de nuages moutonnants, effilochés, en petites grappes qui flottent au dessus de l'océan déjà abîmé dans la nuit, sont peints en dégradés de gris dune ultime subtilité. Les eaux luisent encore un peu de sévères reflets dacier, qui affrontent lembrasement de lhorizon, et qui le vaincront finalement. Au-dessus du brasier, dans le dégradé des bleus, le ciel est orné dun simple croissant de lune découpé sur le filigrane de son disque et accolé d'une seule étoile voisine, il passe du turquoise à l'outremer, puis au noir profond, insondable, de la nuit triomphante. Le sentiment de paix qu'inspire la simplicité du dessin de la lune et de son étoile dans le ciel contraste merveilleusement avec celui, de violence, qu'induit la tourmente de formes et de couleurs qui se déchaîne sur l'horizon, pour s'éteindre bientôt. Cest beau, immensément.
13h30 (heure de Paris, disons 20-21h locale). La nuit s'installe. Nous sommes quelque part à l'ouest de l'Indonésie. Je vais faire une escale technique aux toilettes après avoir enjambé mon voisin qui essaie de dormir. J'en profite pour me faire offrir un café par le steward présent dans le coin. Un monsieur, un peu bedonnant, petit, pas mal chauve, avec une belle barbe grise plutôt courte, est agenouillé sur une couverture qu'il a installée en guise de tapis de prière devant l'issue de secours à l'arrière de lappareil. Il prie avec conviction et psalmodie en alternant les positions droites les mains sur les genoux, et prosternées le front appuyé sur une rondelle qui pourrait être du liège, elle-même posée sur un mouchoir en papier. Pas besoin de boussole pour voir qu'il est bien tourné vers La Mecque. J'observe la scène discrètement en sirotant mon café. Elle dure un bon quart d'heure. Finalement il conclue son rituel en bizouillant sa rondelle, se lève et sen va. Il sera bientôt replacé par une autre.
Longue traversée du nord-ouest au sud-est de l'Océan Indien. La durée du voyage se fait sentir maintenant. Sans vraiment tourner en rond, j'alterne lecture et exploration de l'univers caché derrière mon écran tactile. Je fais une tentative pour voir le "Laura" de Preminger sur la chaîne ciné-classique d'Emirates (Allo Air-France, prenez-en de la graine !), qui tourne court à cause d'une réinitialisation intempestive du système, suivie d'un fonctionnement chaotique de l'écran tactile qui m'énerve et me fait abandonner. On verra au retour. Ce sera donc un concert Schubert en bouquinant, entrecoupé de quelques sommes. Cette nuit sera à sommeil vraiment minimum. J'épuise aussi la batterie de mon ordinateur en commençant à écrire ce journal. L'exiguïté de lespace vital minimaliste consenti au voyageur et l'inconfort du siège (A340 avec un équipement pas vraiment idéal pour de si longs vols), aident la lassitude à s'instiller puis à sinstaller, et les moments sont fréquents où la montre fait du sur place, et où le temps s'étire un peu péniblement. Mais il passe, finalement.
Deux heures avant l'arrivée à Sydney on nous sert un petit déjeuner. Bienvenu.
Nous survolons le continent Australien, de nuit malheureusement. Je lève le rideau de mon hublot fréquemment. Ma seconde aube
en plein ciel se prépare. Plutôt sobre, voire austère. Couvert nuageux gris sale. L'horizon s'éclaire lentement d'une lumière sans
attrait. Le jour nous dévoile, quelque part entre Adélaïde et Sydney, un plateau rocheux désertique, constellé de ce qui semble être un réseau de lacs asséchés - prélude à un futur qui va se généraliser ? dont certains sont liés entre eux par des cours d'eau qui ondoient désespérément, disant la platitude du pays des lacs salés me dira Dave plus tard. Le tout est inséré dans un milieu rocheux dominé par des teintes rousses étranges, comme celles des lichens qu'on voit se développer sur les rochers en montagne.
Ce paysage étrange se transforme peu à peu avec l'apparition de vallonnements et de quelques carrés de cultures d'un gris peu
avenant, verdissant progressivement cependant. Puis le long ruban vert du lit d'une rivière déroule des méandres paresseux
bordés de rangées d'arbres qu'on a envie d'aller voir de plus près. Finalement une belle campagne cultivée et boisée s'offre au
regard jusqu'à lhorizon. Nous sommes alors à une heure de Sydney environ.
Les infos du vol nous préviennent qu'il faut tout déclarer. "Declare or beware !" disent-ils, en énonçant les amendes et peines de
prison qui attendent les tricheurs. "Don't mess with Australia" diraient les texans. Arrivée enfin, après 12-13 heures de vol,
débarquement (même des passagers qui poursuivent le vol, comme moi), contrôle, salle d'embarquement, quelques pas pour se
dégourdir les jambes, SMS à la famille, et rembarquement une heure plus tard pour la dernière étape.
Christchurch est à 2h30 de vol, et bizarrement, deux heures de décalage horaires plus loin que Sydney. Le couvert nuageux empêche de voir le paysage au départ comme à l'arrivée à Sydney. Je dors un peu après le petit déjeuner, correct, identique au précédent. Comme l'an dernier la côte de lîle sud de la Nouvelle-Zélande (orientée NE-SO) vous accueille de son long ruban de plage dorée que borde une mer d'un beau bleu profond sur l'arrière plan hollywoodien de la magnifique chaîne de montagne qui la parcourt d'un bout à lautre, et que l'on franchit rapidement, le temps de savourer une vue superbe sur les sommets et la perspective en profondeur sur l'ensemble de la chaîne, pour déboucher enfin sur la plaine côtière sud ou nous attend l'aéroport de Christchurch. Nous y sommes vite. Et vite débarqués. Papiers en règles pour ma dispense de permis de séjour. Nettoyage des semelles de mes chaussures de rando par un douanier prévenant, comme lan dernier (c'est la règle, l'accueil règlementaire n'est pas plus convivial qu'en Australie d'ailleurs). Jessèmesse (SMS) en attendant son retour, mon arrivée à destination. Nous sommes le mardi 30 décembre. Il est environ 14h (mardi 30 décembre 2h du matin en France, 20h à Montréal). Le temps de tirer des $NZ et de sauter dans un shuttle. Et je suis en 30 minutes à l'hôtel Ibis de Christchurch. J'ai l'impression de revenir là d'où j'étais parti hier. Mais l'impression est agréable. Les kiwis ont toujours leur accent impossible.
Mardi 30 décembre
Déballage, rangement, douche. Un peu de détente sur le lit. Pas trop. Dormir maintenant serait une erreur tactique majeure.
Je vais faire un tour. Boutiques d'équipement sportif. C'est les soldes. J'envisage de louer un vélo. Passage au supermarché
pour quelques bricoles. Je traîne un peu. Savoureuse nonchalance, un peu alourdie de la petite anesthésie de la fatigue du voyage
et du décalage horaire. Finalement je décide d'éviter le restau et je rentre à l'hôtel où je me contente dun sandwich et dune
bière au bar, avant de rejoindre ma chambre. J'ai duré autant que jai pu. Il est 19h. Une petite infusion de messagerie pour
dire que tout va bien, et au lit. Trente secondes plus tard je dors.
Réveillé par la soif et la physiologie décalée à 22h45. Péniblement pâteux. La nuit sera très courte si je ne prends pas de
mesure : un demi zolpidem qui m'assurera les quelques heures de sommeil dont j'ai besoin. Bon choix. Je dors bien jusque
vers 3h45, ce qui n'est pas mal pour la première nuit. Lumière à 4h30. Je rédige un peu, je me fais un café en regardant skynews.
Douche à 6h30. Jogging de 7 à 8, autour de Hagley park comme lan dernier, avec passage dans le jardin botanique. Agréable.
Mercredi 31 décembre
Petit déjeuner colossal ensuite, après la douche, au bar de lhôtel. Retour à ma chambre.
De ma fenêtre panoramique j'observe le ballet des mouettes et des goélands qui tournent au dessus des toits. Planant ! Téléphone Skype à Magali. Je sors vers onze heures. Quelques courses (eau etc..), puis un long passage au Jardin Botanique. Les arbres sont toujours aussi beaux, et les oiseaux toujours aussi familiers.
Au début je pense que cela s'apparente à la parade amicale du rouge-gorge toujours prêt à s'attirer la bienveillance du jardinier,
dont l'activité le pourvoie en lombrics. Les tits furtifs et discrets ne ressemblent pas à des cris lalarme. L'oiseau à la silhouette d'une mésange à longue queue, mais avec un plumage plus coloré cependant. Il est très mobile et s'approche vraiment près de moi (1m). Je dois rapidement changer d'avis sur son comportement. Il m'invite clairement à déguerpir, en venant parfois se placer face à moi en dressant sa queue derrière lui ouverte en éventail (d'où son nom fantail, espèce native de NZ), et même à deux reprises en simulant une attaque. Donc il nourrit une nichée quelque part (c'est le printemps ici). Je cherche le nid sans succès. Il commet alors une erreur tactique en descendant au sol un bref instant où je n'ai pas de mal à découvrit le poussin qu'il vient de nourrir. Sans doute tombé du nid. L'autre membre du couple se manifeste aussi, plus discrètement semble-t-il, plus prudent peut-être, le père sans doute. Je fais quelques photos.
Je rate deux scènes de nourrissage successives parce que cette saleté d'appareil photo met des secondes à déclencher. Mon super
Canon tout neuf en faible lumière est une calamité. Et je n'ai pas pris le Pentax. Quelques photos pas mal quand même. Et puis je cesse de les inquiéter. J'en observe un autre un peu plus loin.
Vers 13h je vais boire une bière au pub The Barn on the Avon. Endroit sympathique mais la bière est Monteiths, locale et trop légère, mais désaltérante. Bavardage avec un maori de Vancouver en vacances chez lui. Ballade ensuite dans les rues de la ville après un passage à l'hôtel. Un café du coté de Art Center. Je rentre à l'hôtel et je me fais aider pour trouver un vélo de location. Le loueur passera pour 35$NZ (14euros) me déposer le matériel tout à lheure vers 18h30. Il est là à l'heure dite. Jeune et sympathique. On parle un peu. Il est allé en France lan dernier pour assister au triomphe des All Blacks. Regard pathétiquement mélancolique qui dit l'immensité de sa déception. Il ne s'est pas bien remis de leur défaite, c'est évident. Il reprendra le matériel après-demain matin. J'ai un vélo, un casque et un antivol. Ça roule !
Dîner au Baileis, pub sympathique. Bon fish and chips. Belle bière ambrée, mais seule la couleur est vigoureuse. Finalement, Je ressors vers 21h30 pour aller voler un petit bout de la fête de la Saint Sylvestre. Je sens que ce n'est pas trop raisonnable vu mon état, mais on n'est pas souvent à Christchurch un soir de réveillon, même s'il est midi chez vous. Un groupe de chanteurs enfants d'abord. Sans grand intérêt. Puis le Blue Velvet Band qui fait une musique à la Gille Vigneault c'est ce que je trouve de plus proche pour la qualifier, superbe, joyeuse et dansante. Je passe un vrai bon moment. Quelques photos. Mais le décalage horaire m'accable littéralement et je dois jeter l'éponge peu après 22h. Dur dêtre un vieux sexagénaire.
Jeudi 1er janvier
Réveil vers 3h30. J'éclaire vers 4h20 à défaut de pouvoir dormir encore un peu. Grosse fatigue. Impression/dépression connue et
très pénible de nuit trop écourtée. Ignorons.
Je prépare une carte de voeux pour les parents et amis, à partir des photos faites hier, oiseaux du jardin botanique et Blue Velvet Band sur la scène. Et je l'envoie. Coup d'oeil sur l'objet du voyage : notre ballon s'éloigne bien loin vers l'autre bout du continent Antarctique, mais sur une trajectoire de bon aloi. Pas d'inquiétude. Petit déjeuner aussi super complet qu'hier vers 6h45 après la messagerie.
Préparation de mon sac de randonneur, chargé surtout du matériel photo. Je suis sur mon vélo à 8h, pas trop frais, mais ça devrait aller. Il fait beau. Navigation dans les rues de la ville pour prendre l'avenue qui me conduit à la petite baie de l'embouchure de lAvon sur la côte, où se trouve la première réserve d'oiseaux que je veux visiter. Facile à trouver, j'y suis en une demi-heure, mais cest une zone semi urbaine et pas vraiment le coin de nature que j'espérais. En prime une forte odeur d'égout vous fait compatir pour les quelques oiseaux qu'on observe dans ce marais. Et qui seront l'exclusivité d'une journée bien décevante.
Je remonte ensuite la baie vers le nord. Un fort vent de face me rend la vie difficile. Quelques groupes de canards ici et là, dont une famille pléthorique avec une mère cane et un grosse vingtaine de poussins, garderie sans doute comme les tadornes de Belon européens. Beaucoup de bernaches du Canada (ici ? grosse surprise ! espèce parente peut-être ? Non, les mêmes, introduits pour la chasse par l'internationale des chasseurs…). A l'extrémité nord de la baie je prends la piste qui remonte le cours de l'Avon. Parcours agréable, mais dans une banlieue résidentielle typiquement british, sans intérêt aucun pour l'amateur de milieu naturel. Passage au Travis wildlife refuge avec un parcours aménagé pour les visiteurs. Quelques groupes de canards de paradis pâturent la prairie humide. Une famille de beaux cygnes noirs au cou démesuré déambule précieusement (espèce australiennes, introduite en Europe, on commence à en voir beaucoup dans l'île de Ré). Pas un seul héron. Bof. En prime ce site est interdit
aux cyclistes, donc vélo à la main.
Je joue un peu à cache-cache avec un beau cagou (grosse poule d'eau), dans le sous-bois marécageux (photo). Espèce locale, pas trop farouche, déjà observée l'an dernier vers Akaroa.
Je n'ai pas vu de toute la journée un seul rapace dans le ciel. Pas un crécerelle, pas une buse, pas un busard (l'an dernier javais observé un busard des roseaux - swamp harrier - espèce locale, sur la route d'Akaroa). Là où j'espérais voir des balbuzards. Déception globale considérable.
Passage à la plage assez proche - 1 km - pour dire que je l'ai vue. Et je l'ai vue. Retour vers la ville en reprenant la piste sur berge de l'Avon.
J'observe un cormoran varié près d'un pont (photo).
Il est 13h. Halte sur un des nombreux bancs offerts aux promeneurs, pour une banane, et un petit somme. De retour à l'hôtel vers 14h après un parcours d'une petite trentaine de km. La toute jeune hôtesse d'accueil qui m'ouvre le local technique pour garer mon vélo me demande, lorsque je lui dis où je suis allé, si j'ai perçu l'odeur spéciale... Oui bien sûr, réponds-je poliment sans insister. Elle me précise qu'un traitement des effluents par lagunage est en préparation, pour l'environnement précise-t-elle. Il est presque temps. Pas mieux chez les kiwis qu'ailleurs donc. Merci pour les piafs.
Après un café et une bière - Townshend, NéoZélandaise, achetée au super marché du coin, enfin une bonne ale, que les brits ne sont pas seuls à savoir bien faire donc - je sors traîner un peu et je retourne naturellement au merveilleux au jardin botanique savourer l'ombre généreuse des arbres multi centenaires. Il fait bien chaud. Je flâne au bord de l'Avon.
Je retrouve le couple de fantails d'hier, un peu plus loin, 20-30 m, moins agressifs mais agressifs, et un joli gros nid dans un bosquet placé haut, d'où rien ne dépasse, et que je n'approche évidemment pas. Je les ai assez (passivement) harcelés comme ça hier.
Hypoglycémique vers 18h, je file chez Lux-Dux, brasserie d'heureuse mémoire où nous nous régalâmes d'un fameux plateau de fruits de mer arrosé dun superbe pinot gris l'an dernier avec Jin-A, sur le chemin du retour. Le Jumbalaya de fruits de mer aux crevettes décongelées insipides et aux moules monstrueuses et pas cuites est plus que déplorable, lamentable, et le Sauvignon est vert et acide.
Retour à l'hôtel. Je suis tellement crevé que je ressens ce besoin de sommeil comme une vraie douleur. Je me couche rapidement après un coup d'oeil sur la trajectoire du ballon et un peu de messagerie pour préparer le passage au CDC (Clothing Distribution Center) demain, où je devrai récupérer mon équipement polaire avant d'embarquer. Dans les draps, la peur me prend de ne pas pouvoir dormir tellement je suis mal, heureusement rapidement démentie. Il est 20h.
Vendredi 2 janvier
Oh la belle et bonne nuit de sommeil cent pour cent naturel. Réveil à 5h30 après une brève étape à 3h30. Quel délicieux sentiment que celui de
se sentir en forme au réveil. Il fait toujours beau, de longs bancs de nuages élevés rosissent joliment dans un ciel qui séclaire doucement. Café, skynews: carnage accidentel à Bangkok et délibéré à Gaza, Sarko s'en mêle, météo des îles britanniques, vachement important de connaître ici le temps qu'il fait chez Sa Gracieuse la Reine d'Angleterre ! Rémanence paternaliste de Commonwealth impérialiste d'un autre âge. Pas révolutionnaires les kiwis.
La trajectoire du ballon a le bon rayon de courbure. Il est loin sur le continent à l'opposé de McMurdo (~3000km). Joli colimaçon.
10h30 - Je sors me promener un moment. Jour férié encore. Le 2 janvier ! Ils commencent bien l'année ici avec un pont pareil. Tout ce qui est
domestique est fermé, tout ce qui est touristique est ouvert. Je repère les souvenirs à rapporter à la famille, peluches T-shirt, etc
J'achète une jolie laine polaire, 30$NZ (12 euros). Impossible de ne pas avoir un peu honte de payer un tel prix. Pourtant il doit faire (sur)vivre des gens quelque part, en Chine probablement. Insoluble. Le Clézio appelle ça "..la longue chaîne de la dépendance économique.". Observation juste, et prudence littéraire.
12h30 pas de shuttle pour le CDC. La réception de l'hôtel me dit qu'ils sont passés à 12h, alors que ce matin au téléphone je me suis fait
confirmer 12h30. Grogne. On les appelle et finalement je serai en retard au CDC de 10 minutes. Deux types (de la manie IceCube à SouthPole) arriveront 1h30 plus
tard sans autre conséquence que celle de rater le briefing. Briefing sur la procédure de départ. Rien de nouveau par rapport à l'an dernier.
Vérification des équipements dans les sacs préparés par le service et essaie des fringues et des chaussures. Je change mes chaussures "grand froid" pour un type moins high-tech, mais plus confortable avec chausson interne, car Yo ma dit q'uon transpirait fort pendant les deux-trois jours sur le terrain, dans celles qu'on m'avait collé (bunny boots, blanches). Sans problème.
Une fois terminé, la secrétaire appelle super-shuttle. Dans 10" disent-ils. Ils sont arrivés une heure après. Sûr qu'ils vont me faire rater l'avion demain. Il faut être sur place à 6h30.
Ensuite dernières courses après avoir attrapé en vitesse un hot-dog chez un marchand ambulant sur la place, car j'ai grand faim. J'achète une bouteille de bon rouge kiwi (assemblage Cabernet-Sauvignon-Merlot-Malbec) pour faire une bonne surprise à Sasha demain soir, le samedi étant le jour où le vin est autorisé au galley, les autres jours étant soumis à la prohibition. Et un flacon de Jack Daniels. Seul le bourbon est abordable, les scotchs sont hors de prix ici.
Coups de vent très violent dans les rues. Les panneaux publicitaires volent.
Dîner chez Bailies à nouveau. Délicieux jarret d'agneau, mais portion bien trop copieuse (2 u). La bière irlandaise qui l'accompagne est bien.
Retour à l'hôtel vers 19h15. J'ai l'intention de me coucher tôt car à partir de 18h, mon tonus et ma vigilance baissent rapidement et dramatiquement et un pénible sentiment de grosse fatigue sinstalle. Dernière connexion internet. La trajectoire du ballon est toujours superbe, il est au dessus de la mer de Wedell et se dirige vers la péninsule Antarctique, toujours sur une belle trajectoire. Pas de message important.
Je descends régler la note d'hôtel pour gagner du temps, et je fais vérifier que la navette sera bien là à 6h. Ce sera 5h45. J'appelle Magali
ensuite, je termine l'organisation des bagages, je prépare le petit déjeuner, et je me mets au lit ver 21h. Réveil vers 2h50. Je ne me rendors
pas, ou peu, forme de somnolence bizarre, que je connais bien, où la vigilance s'atténue un peu mais ne séteint pas. Un peu dur, mais sans
plus.
Samedi 3 janvier
Je me lève en vitesse pour me mettre sous la douche juste avant 5h, et la sonnerie de mon mobile, et le wake-up call demandé à l'hôtel pour être sûr. Séquence de préparation sans heurt qui m'amène dans le hall à 6h40 avec mes bagages. La navette est là 3 minutes plus tard pour son premier client, moi. Nous serons 7 à la fin de la tournée, le gros de la troupe est collecté à l'hôtel Windsor qu'affectionne Raytheon, et que j'évite : cest un B&B au prix d'un hôtel normal sans téléphone individuel, ni accès internet. Nous sommes au CDC avant 6h30. La préparation des bagages est toujours un processus combinatoire hautement complexe dans lequel il faut mettre sa tenue de vol (équipement grand froid), mettre dans un des deux sacs oranges les affaires qu'on ne récupère que s'il n'y a pas de boomerang (demi-tour de l'avion cause météo), dans l'autre sac celles qu'on veut récupérer dans un tel cas, et dans son bagage personnel, ce qui reste. Ce bagage restera dans le hall de stockage du CDC, j'y colle une partie de l'équipement USAP que je ne pense pas utiliser. Jeu de valises musicales qui requiert un assez haut niveau d'organisation individuel et du sang-froid car le temps est compté. On a rapidement des fringues partout étalées sur le bac et sur le sol. Personne ne reste sur le carreau évidemment, mais fourrer par erreur ses pyjamas dans les affaires qui restent à CHC par exemple, peut avoir des conséquences funestes pour votre confort nocturne pendant les semaines à venir. J'espère que je n'ai pas commis d'erreur de cette nature.
Tandis que je m'habille, quelqu'un m'appelle, "Hey Michel !". Grosse surprise. Il me faut quelques secondes pour identifier le héleur en train de s'habiller : David Sullivan, un ingénieur australien (de Newcastle), employé du CSBF (Columbia Space Balloon Facility), qui travaille à la gestion des vols ballons, et que j'ai côtoyé l'an dernier à McMurdo. Compagnon agréable. Il en est à sa 17ème campagne à McM ! Et il a rebondi une fois (demi-tour de l'avion cause météo à l'arrivée).
Le vol se passe bien. Je fais quelques photos de la chaîne Antarctique lorsqu'on la survole. C'est d'une beauté toujours aussi fantastique, irréelle, fascinante, et émouvante, car elle nous dit aussi l'histoire. Le nez collé au hublot, j'ai du mal à m'arracher à ce spectacle, même lorsqu'une main concurrente me tapote l'épaule. Ces paysages immenses de désert blanc sont probablement les derniers de la planète à être restés inchangés depuis des millénaires. L'émotion est à peine moins grande que la première fois, alors que d'autres aspects du voyage sont bien banalisés.
Nous atterrissons à Willy Field, site de laéroport l'été (cf notes de lan dernier) d'où sont lancés les ballons. Le matériel est débarqué avant nous (photo).
C'est comme si jétais parti hier. Tout est là. Mais le temps est gris et moche. Où est la lumière de rêve qui me bouleversa tant ? Augure ?
Embarquement dans le Terra-Bus et transport vers McMurdo village, après une bonne demi heure à attendre que les équipages (il semble qu'il y avait une autre LC130) aient terminé leur procédure de fin de vol. Passage au chalet NSF pour le long et barbant briefing d'arrivée au cours duquel nous profitons entre autres du long exposé des troubles physiologiques engendrés par l'altitude et destinés aux seuls trois missionnaires qui vont à la station South Pôle (alt ~2500m) par une femme médecin bavarde.
L'épreuve dure une bonne heure. Lorsque je me lève pour sortir après avoir rendu ma copie sur les instructions de redéploiement, Sasha est là, derrière moi, debout derrière les rangées de chaises, sourire aux lèvres. Comme il est bienvenu le gentil Sasha ! Congratulations d'usage. Il est 20h40.
Passage à ma chambre où je salue mon jeune cothurne. Il travaille sur ANITA, une autre manip d'étude du rayonnement cosmique sur ballon stratosphérique. Puis nous passons prendre mon sac de literie, lequel n'est plus livrée à l'avance comme l'an dernier, puis nous filons sur le galley (cambuse en français, c'est lappellation officielle de la cantine ici) dont je retrouve la cuisine pâlichone mais souvent sympathique avec deux saucisses sur une assiette de spaghettis avachis, et une petite part ce ces gâteaux américains bourrés de sucre et de crème, que Sasha m'apporte gentiment. Le tout arrosé d'un café médiocre, le seul breuvage praticable ici avec l'eau plate et le jus dorange.
Nous discutons la situation de CREAM et de la récupération de la nacelle et de son contenu posés sur la glace loin d'ici. Sasha m'informe que la NASA semble avoir l'intention d'arrêter le vol la semaine prochaine à la fin du second tour, ce qui n'est pas une bonne nouvelle. Techniquement il n'y a rien qui s'oppose à la poursuite du vol, et pour nous c'est la statistique des événements à haute énergie qui est amputée. Ce serait vraiment dommage. Je collerai un message à Eun-Suk (responsable du programme, U. Maryland) demain après la réunion prévue à 9h30.
Sasha me propose d'aller ensuite prendre un verre au coffee shop. Mais je décline car je dois encore aller récupérer mes deux lourds sacs de bagages au bâtiment de livraison, et faire mon lit. Nous nous quittons là. Finalement je me couche vers 23h, bien fatigué mais pas épuisé.
Dimanche 4 janvier
Sommeil de plomb jusqu'à 3h30. Puis flottaison en apesanteur sur un sommeil douillet et fréquemment interrompu, de 3h30 à 6h30. Réveil en forme. Douche brève, austérité antarctique oblige. Beau temps mais ciel un peu brouillé. Petit déj solitaire à 7h. Première connexion informatique. Il faut douze caractères pour un mot de passe valide ici. Bonjour la parano. C'est pas demain que les manchots hackers vont pouvoir attaquer les ordinateurs de McM. Accès sans problème à ma messagerie.
Tour à la bibliothèque du Crary Lab pour voir si elle est toujours aussi sympa. Inchangée. La vue sur la chaîne de montagnes d'en face avec le Mont Discovery est toujours aussi superbe.
Première réunion avec Sasha et Richard Joss (Field Camp Manager) qui prépare la logistique pour notre intervention sur la récupération de l'instrument. Nous faisons un peu le tour des scénarios de récupération. Il semble effectivement que la NASA souhaiterait terminer le vol lors de son passage à proximité de McM à la fin de la seconde révolution autour du pôle, soit environ mardi. Je trouve dommage qu'on arrête à ce stade alors qu'un troisième tour est parfaitement possible. Bref, les décisions de la NASA ne sont jamais motivées et ne se discutent pas. Après la discussion j'écris à Eun-Suk.
A 12h nous nous retrouvons avec Sasha au galley pour le brunch. Toujours aussi bien. Ensuite passage à la boutique où j'achète quelques cartes postales en attendant les petites merveilles de Scott Base (NZ) lorsque j'aurai l'occasion d'y passer. Effectivement, il n'y a ni scotch ni bourbon. Trop triste. Alors qu'il y a des liqueurs déplorables voire lamentables, et pas mal de vins. Et heureusement, on trouve de la Sierra-Nevada, ma petite californienne préférée, rayon de soleil sur cette banquise de médiocrité, et aussi de la bonne Bass anglaise, tout comme l'an dernier. Je prends un pack de six de chaque.
Après un bout de sieste nous allons faire un tour à Hut Point. Il fait bien froid, le vent mord durement. La lumière du soleil voilé ne se prête pas à la photo. Nous en faisons quelques unes pourtant. Puis nous prenons l'arête ascendante et je raconte à Sasha que c'est là que lan dernier, un couple de skua nichait, et que Yo après mon départ avait filmé le poussin. Arrêt devant la statue de la vierge de notre dame des neiges. Sasha photographie, il essaie une composition savante de vierge sur fond de Mt Discovery.
A un moment je me retourne et là, derrière moi, à mes pieds, un skua. Il me fait face maintenant. Ni Sasha ni noi ne l'avons entendu arriver. Situation initiale identique à celle qui a préludé à ma mésaventure de l'an dernier. Je protège mon bonnet préventivement. Puisqu'il est là je lui tire le portrait qu'il moffre complaisamment. Comme nous ne lui offrons rien il s'envole pour aller se poser un peu plus loin, auprès d'un congénère, sa femelle, qui couve, deux poussins. Ce que je n'osais pas espérer.
Les deux apprécient modérément que nous nous approchions pour une séance photo. La femelle en particulier qui nous le fait savoir bruyamment. Et vu le culot dont ils sont capables, je n'ai pas envie d'expérimenter l'attaque délibérée. Mais la distance reste confortable et je m'éloigne après quelques photos de famille, avec l'intention de revenir cependant. L'un des deux poussins affalé sur le gravier de basalte, n'a pas lair très vaillant (dans 95% des cas le second poussin ne survit pas). Il semble qu'ils ne fassent pas de nid construit, comme les goélands.
Nous redescendons ensuite vers Hut Point, et là un phoque bien gras est venu se prélasser sur la glace entre les grosses flaques de fonte. Il bougeotte un peu, et se retourne comme si le matelas était un peu dur, puis se redresse et remue les pattes en s'étirant. Nous passons un long moment à l'observer à l'affût de photos intéressantes.
Sasha prend des poses qui vont attirer l'attention de la CIA, je le préviens. Il fait bien froid. Il faut tourner le dos au vent qui nous mène la vie dure. Finalement nous rentrons nous mettre au chaud et je vais me chercher un café au galley. Dîner à 18h, heure normale ici. Puis messagerie jusquà 20h, l'heure de la conf hebdomadaire d'intérêt général. Aujourd'hui c'est une artiste, enseignante à l'U San Francisco, qui présente son œuvre de sculpture moderne. Elle en parle plutôt bien. Je m'endors un peu à la fin.
Lundi 5 janvier
Réveil vers 5h30. J'attends 6h30. Même météo qu'hier, un peu brouillée. Petit déjeuner aux pétales de maïs et aux viennoiseries américaines, les pires que j'ai connues sans doute. Réunion briefing à 7h30. Il est clair que le vol se termine au passage du ballon au plus proche de McM. Mercredi sans doute. J'enrage un peu car je serai au snow camp obligatoire, mais cette situation m'est largement imputable, même si l'administration USAP a encore retardé mon arrivée tardive. Je ravale mon amertume.
Ensuite nous allons à Willy Field (zone de préparation des vols ballons) préparer l'outillage nécessaire. Je retrouve les lieux avec plaisir et leurs coquets et odorants cabanons de toilettes avec leurs petits fanions - le rouge occupé et le vert libre. Le grand hall de préparation du vol n'a pas changé non plus. Il est vide et encombré de coffres et de caisses destinés à recevoir le matériel à réexpédier aux US.
Déjeuner au galley local, même architecture que l'an dernier mais intérieur modernisé. Il est neuf. L'ancien prenait l'eau de partout, et après chaque chute de neige, les nombreuses gouttières s'épanchaient pendant des jours à l'intérieur. Le poêle à bois rustique et poétique a disparu. La cuisine est la même, tristement banale.
Nous rentrons sur le village en véhicule Delta comme nous sommes venus, en milieu d'après-midi. Seuls les deltas peuvent franchir en cahotant lourdement la zone de transition, rimaye chaotique entre la banquise et la péninsule, que de gros engins parviennent tant bien que mal à maintenir praticable en comblant jour et nuit les fondrières glacées que le dégel produit intensivement. C'est l'autoroute de l'aéroport.
Bière au coffee shop où nous discutons de la situation et de la rotation sur le site du recovery (récupération de l'instrument) si les trois membres de l'équipe ne peuvent aller tous sur place, la limitation étant variable selon le type d'avion utilisé. Au moment de décapsuler les bières, je réalise avec horreur que mon couteau suisse est resté dans une poche latérale de ma valise à Christchurch, d'où j'ai oublié de le sortir dans la précipitation de la préparation des sacs. Il va me manquer affreusement pendant tout le séjour.
Dîner à 18h après avoir acheté à la boutique la crème solaire que j'ai oublié d'apporter, pour la journée de terrain demain.
Un copain de Sasha nous rejoint à table. Marco est pilote d'hélico, roumain dorigine, sympathique, et joueur de ping-pong. Nous nous retrouvons donc naturellement après le repas dans la salle commune de notre bâtiment pour une partie triangulaire informelle qui fût aussi une partie de plaisir, et l'occasion d'une autre bière, sauf Marco qui doit voler demain (alcool interdit par son contrat 24h avant le vol). Les trois joueurs sont de niveau comparable. Lorsque Sasha part téléphoner à sa belle (Olga, journaliste freelance qu'il a rencontré ici en 2004), Marco et moi prolongeons le plaisir encore un moment avant de nous séparer, en nous promettant de nous retrouver bientôt.
Retour à l'autre bout du couloir, dans ma chambre, pour préparer mon sac et le bazar ECW (extreme cold wear) pour demain. Ensuite rédaction de mes notes, puis lecture avant le marchand de sable vers 22h30.
Mardi 6 janvier
Réveil en pleine nuit 3h45. Poisse somnolente ensuite. Douche rapide vers 6h30 et petit déjeuner méfiant après l'expérience d'hier. Messagerie vite expédiée, et vérification du sac pour la partie de camp de neige. A 8h30 je suis au lieu de rendez-vous, une salle dédiée à la préparation des grantees (visiteurs scientifiques) et du personnel, aux activités et au campement en pleine nature Antarctique. Nous sommes vingt lorsque les retardataires sont arrivés. Tout commence comme toujours après la présentation du programme, par des vidéos et exposés sur les risques divers qui seront notre lot sur le terrain, même pendant ce bel été Antarctique (mesures préventives contre le froid, physiologie du refroidissement et autres gelures), et sur l'environnement, sa protection et les règlements qui vont avec.
Puis déplacement sur le terrain, en plusieurs étapes à cause de la condition de la piste, ou nous nous retrouvons à nouveau dans un bâtiment de type préfab militaire, qui sert de base à cette activité permanente, avec une partie où sont reçus les stagiaires et une partie domestique réservée aux deux instructeurs, un gars et une fille qui alternent les présentations, et où ils passeront la nuit. D'abord apprentissage de la mise en oeuvre des réchauds à white-gas, qui me rappelle sans nostalgie aucune la leçon équivalente sur le MAS39-45 pendant mes classes de bidasse, suivi d'un exercice d'application. Puis récupération du matériel de couchage dans la baraque où il est stocké. Déplacement sur le terrain ensuite où nous resterons jusqu'à demain avec les réchauds et la bouffe et nos sacs individuels chargés sur un traîneau tiré par une moto-neige (Bombardier, il y a quelques grosses dizaines de ces motoneiges - skidoos - sur le site) jusqu'à une autre baraque à trois ou quatre cents mètres d'où nous sortons les tentes, les traîneaux, et le petit matériel (pelles, piolets, fanions de balisage, boîtes de piquets, etc), que nous hâlons sur environ deux cents mètres supplémentaires jusqu'à l'endroit où nous allons passer la nuit.
Là, nous commençons par faire une pyramide des gros sacs qui contiennent les couchages et nous la couvrons d'une épaisse couche de neige. Chacun contribue au pelletage avec un bel enthousiasme. Une entrée sera aménagée plus tard lorsque la neige se sera compactée, qui permettra d'extraire les sacs et qui laissera un igloo praticable pour plusieurs personnes. Un tunnel d'accès par-dessous sera aussi creusé. Les mineurs y seront jusque vers minuit. Ils auront bien mouillé leur chemise et passeront ensuite une assez mauvaise nuit. L'exercice suivant concerne le nécessaire montage des tentes. Nous disposons de quatre tentes de montagne classiques, et de deux tentes de Scott, genre de tepee indien, pas vraiment portable, mais modèles historiques. Quelques recommandations des instructeurs sur la question, puis présentation de la méthode d'aménagement d'un abri de fortune en creusant la neige compactée du sol sur 1m30 de profondeur environ, et de la technique de découpage de briques de neige pour le montage de murs de protection contre le vent dominant (sud ici, polaire donc) et la couverture des abris. Application ensuite avec le montage collectif d'un muret de protection pour les petites tentes sur une quinzaine de mètres. Certains sont à la carrière et découpent les briques, d'autres sont au charroi de ces briques (60x35x25 cm environ) sur les traîneaux (élégants, qui ressemblent à des pirogues africaines), et dautres enfin au montage du mur. Et enfin, creusement de la cuisine de campagne en conformité avec les préceptes enseignés précédemment : une fosse de deux mètres par un mètre de surface et un mètre de profondeur avec plan de travail à mi-hauteur pour la cuisine. Devant la fosse est édifié un muret de neige protecteur. Quelques dernières recommandations avant que les instructeurs enfourchent leur moto-neige et nous abandonnent à nous-mêmes, non sans avoir laissé leur numéro de téléphone. C'est Gaston, pompier à McMurdo, ancien pompier au NYFD, et actuellement basé à San Francisco, qui assurera les deux liaisons de contrôle téléphoniques de 20h et de 8h. Nous avons un peu bavardé. Il est de parents Haïtiens et parle un très bon français. Très sympathique.
Le beau temps s'est évanoui, le ciel s'est couvert et le vent s'est levé. Il neigeotte, mais il ne fait pas très froid (entre 0 et -5° probablement). Les instructeurs nous donnent rendez-vous demain matin à 8h30. Tout devra être prêt à embarquer.
Tout cela est assez bon enfant et cette ambiance conviviale durera jusqu'à la fin. Les personnalités commencent à émerger du mouvement collectif, certains jeunes se sont jetés tout de suite sur le devant de la scène, comportement que j'ai vu se développer bien souvent et toujours sous la même forme quasi rituelle, dans les communautés étasuniennes.
Une forme d'organisation spontanée se met en place sans concertation. Certains attaquent les travaux de creusement de leur abri individuel ou de l'igloo, d'autres rangent le matériel, d'autres se mettent à l'installation de la cuisine. C'est mon cas, prudent.
Un autre français, Eric, qui vit aux US participe au stage. Il va faire des mesures d'épaisseur de la couche de glace par des techniques radar du coté de la base française de Dumont d'Urville. Il dormira seul dans une petite tente sans que personne ne le réalise. Je croyais qu'il était avec ses deux collègues.
Au bout dun moment les gens commencent à se positionner pour dormir. Je choisis une tente de Scott, que je partagerai avec Zachary, étudiant à Johns Hopkins, et Mike, géologue, j'ai oublié où. Finalement une dizaine de personnes dont deux adultes (Gaston et un autre), et quatre filles, dormiront dans les abris neige. J'ai donné un coup de main à Melissa, une toute jeune géologue qui va travailler sur le glacier Byrd, pour produire les briques de son toit. Mais elle avait creusé un abri trop large et les briques se sont effondrées. Elle s'en est sortie en utilisant une bâche pour fermer l'abri. Un autre jeune avait construit un abri très spacieux. Son toit s'est aussi effondré. Il a recommencé à coté, jusqu'à minuit.
L'heure du dîner s'est imposée doucement et les gens ont commencé à défiler. Pléthore de nourriture, sachets lyophilisés, barres de tout, sachets de fruits secs. Quatre réchauds sous deux marmites fournissent l'eau chaude. Mon turkey teryaki est bien noyé et surnage dans une jolie mare. Potage inclus donc.
Il s'est mis à neiger un peu plus, doucement, pratiquement sans vent. La couche sera de 2-3 cm demain matin au réveil.
Une fois la cuisine rangée et un dernier tour du camp accompli pour proposer des coups de main ici et là, j'intègre ma tente de Scott en même temps que mes compagnons de chambrée. Nous avions préparé nos couchages avant. C'est confortable comme tout. Duvets momie de bonne qualité (REI) avec sac à viande de laine polaire mince, sur une double couche de matelas mousse de camping. A 9h je dors, et il en sera ainsi jusque vers 5h30 où je serai réveillé par un problème technique tenace qui ne me lâchera pas tant que je ne l'aurai pas soulagé, vers 6h, en faisant le parcours jusqu'aux toilettes à 150m. Zach grignote déjà son sachet de mélange de fruits secs.
Mercredi 7 janvier
Le campement se réveille doucement. Une des filles de la tente d'à coté attaque la mise en place des deux réchauds qui contiennent encore un peu de gaz. Après un petit dej expédié sur le terrain (café fruits secs pour moi) nous commençons à plier le campement. A 8h30 pile les instructeurs sont là et les stagiaires sont prêts.
Retour au bâtiment pour le débriefing. Tour de table sur la nuit, ça commence par moi : J'ai bien aimé l'expérience globalement, la communauté consensuelle et conviviale, et le (trop grand) confort de ma tente, et je culpabilise un peu vis-à-vis des jeunes qui se sont exercés à l'abri individuel. Le tour de table va son train. Certains hyperactifs imprudents, trempés de sueur, ont confessé qu'ils dû se changer après avoir commencé la nuit en l'état. L'humidité a été un vrai problème pour quelques-uns. Après le parcours inverse des étapes d'hier soir, les phases suivantes sont : pratique des liaisons radio (HF avec déploiement d'antenne et VHF locale), examen du contenu du sac d'urgence et exercice simulation de montage d'une tente dans l'urgence à la suite d'un accident d'avion sur la glace, et enfin exercice de recherche dun membre perdu dans le brouillard total avec une corde (poubelle plastique sur la tête).
On grignote encore un peu et c'est fini. Retour au village pour un exercice de bouclage de ceinture d'hélico. Vers 14h30 nous sommes restitués à nos programmes respectifs.
Je brûle de savoir s'ils sont partis pour le vol de localisation de l'appareillage atterri (termination flight). Quelquefois le parachute se décroche mal et la nacelle peut être trainée sur des dizaines de km sur la neige. Pas de Sasha, le bureau est fermé, pas de message. Aucun téléphone ne répond. J'en conclue qu'ils ont dû partir. Je me connecte et je découvre que le ballon approche seulement de la côte. Finalement je trouve Rich en repassant au bureau un peu plus tard, qui m'annonce que c'est pour demain et que le site d'atterrissage est loin, que le premier vol est programmé pour 10h et que la décision finale sur l'organisation du vol n'est pas prise. Son regard naturellement biais est encore plus tordu qu'à l'ordinaire. Hmm. ça ne présage rien de bon.
Dîner avec Sasha et Matt. Daprès Sasha il est admis que nous irons tous les trois sur ce vol. Rich nous rejoint. Nous parlons montagne. Sasha raconte ses exploits dans le nord de la Sibérie, -40°, trois chutes dans trois crevasses. Quel homme. Je n'ai jamais vu qu'une cathédrale de glace, depuis sa clef de voûte, sur le glacier des Rouies, sous le sommet, avec Philippe Martin, il y a trèèèès longtemps, mais c'était trèèès impressionnant. Je prépare mon sac en rentrant. J'appelle Magali. Je vérifie les batteries des appareils photos.
Jeudi 8 janvier
Réveil à 5h30. Je me lève vers 6h15. Brin de toilette. Bouclage des sacs. Petit déjeuner de randonneur. Je retrouve la petite plongeuse professionnelle, de parents français, avec qui j'avais bavardé l'an dernier. Elle va aller chercher loin sous la glace des échantillons pour les biologistes. Puis elle va prendre un poste de responsabilité après la saison. Fini la vie sous-marine. C'est la vie, tout court. Il faudra qu'elle s'habitue à la faune des bureaux.
Connexion pour voir si le vol est terminé. Il l'est, depuis 22h30 hier soir. CREAM est sur la glace pas loin de la côte (69.5°S, 155.5°E) a environ 500 miles de McM (~3h d'avion). Je file au bureau. Rich et Dave sont là. Rich m'annonce en regardant ses pieds que la grande distance du point d'atterrissage (800km) et les contraintes de sécurité imposaient que deux membres seulement de l'équipe scientifique participent au premier vol de reconnaissance. Dave regarde ailleurs, silencieusement, sanglé dans ses vêtements trop étroits, la tête dans les épaules, l'air vaguement apoplectique. Rich me rappelle Robby l'an dernier, ganache caporaliste qui suait l'ambition arriviste, avec qui j'avais frôlé de très près l'incident. Le fond d'écran de son portable était une tête de Bald Eagle (pygargue à tête blanche) à l'oeil d'une impressionnante férocité, sans doute l'aigle qu'il rêvait d'être. Bref, le contexte n'est pas clair car Dave aurait affirmé à Sasha que Rich devait être sur ce vol car c'est Raytheon, prestataire de la NASA, son employeur, qui a la responsabilité de la récupération. Rich est "field manager", administratif, et d'évidence pas du tout indispensable sur le terrain, et parfaitement inutile dans cette situation, mais il est sur ce vol. Porter le fer là et maintenant, ce qui me démange quand même un peu, c'est créer une situation conflictuelle qui sera sans aucun doute fort préjudiciable à la suite de l'opération. Je ravale ma grogne. Sasha étant incontournable (c'est sa 5ème campagne de récupération), le choix du second est entre Matt (étudiant de Pen State) et moi. Nous sommes dans le couloir, Sasha s'adosse à la porte et pose la question : qui y va ? Facile pour le vieux mandarin que je suis de dire à l'étudiant que c'est dommage pour lui. Je choisis l'autre option, ça me donnera du temps pour écrire mes cartes postales, mettre à jour mon journal et reprendre mon blog, et ça maide à me couler dans le moule du retraité pacifique et conciliant que j'entends devenir. Ils décolleront vers 12h ils reviendront vers minuit-2h (temps de mission limité à 12h (ou 14 ?) pour ce type d'avion, un Bassler DC3. Je suis évidemment assez amer, mais je préfère ça au statut de mufle patenté. D'après Dave qui est coordinateur de l'opération pour le CSBF/NASA, l'étape suivante n'aura pas lieu avant lundi. Patience sur la banquise et vive les vacances donc jusque là.
Je passe la matinée tranquille au Crary lab (bibliothèque). Messagerie, rédaction. Je localise le point d'atterrissage de CREAM avec google-earth, et la base française de Dumont d'Urville qui est quand même quelques 500km plus à lEst.
Je rate la cantine qui ferme à 12h30. Régime pétales de maïs, et apple crumble. Bof.
Retour au cocon de la bibliothèque du Crary lab. 14h, message de Sasha : météo mauvaise, vol annulé. Compteurs à zéro. Le cirque des annulations commence. Imprévisible météo Antarctique.
Après-midi tranquille. Je mets de l'ordre dans mes affaires lorsque je ne rédige pas ce journal. Retour à la chambre. Chargement des photos sur le PC et organisation de l'environnement accompagné d'une petite bière. Je retrouve Sasha avant 18h car je veux aller à la boutique de Scott Base (NZ), la base Néo-Zélandaise à 2-3km pour acheter un stock de leurs magnifiques cartes postales et quelques unes de leurs superbes enveloppes commémoratives des expéditions en Antarctique. Nous ratons l'heure de la première navette à 18h30. Sasha se fait attendre pour la suivante que je laisse passer. Finalement je prends seul la navette de 19h, sans comprendre. Courses à la boutique. Je fais le plein. Et je rendre par la première navette dès que j'en ai fini. Pour les peluches de mes loupiots, la boutique propose toujours celles que jai rapportées l'an dernier. Je vais viser les agneaux de Nouvelle-Zélande et les kiwis (à plumes) cette année.
Partie d'internet pour terminer la journée avec une biblio sur la question du réchauffement climatique. Je récupère des papiers publiés récemment que j'utiliserai pour un texte du journal de l'association à St Jean.
De retour à la chambre vers 22h avec une camomille attrapée en passant au galley. Sasha m'appelle. Explication alambiquée sur le lapin du début de soirée. Je lui dis que c'est sans importance. Il a eu un contact de Rich. Le vol est à nouveau programmé demain.
Quelques pages d'Ourania avant de dormir.
Vendredi 9 janvier
J'ai dormi jusqu'à 7h15. Pas durgence plomberie. En aurais-je fini avec le jetlag et l'adaptation aux douze heures de décalage horaire ? Mon cothurne est encore rentré au milieu de la nuit. Il dort. Je m'échappe discrètement pour ne pas arriver après la clôture du petit déj à 7h30. Jus dorange, thé, corn flakes et viennoiserie.
Je rejoins Sasha ensuite, installé entre temps à une autre table à l'autre bout du galley, en grande discussion avec deux personnes, dont une dentiste qui va au snow camp aujourdhui. La quarantaine, joviale et ronde. Je lui demande si elle est le dentiste de Raytheon qui voulait me faire extraire préventivement deux dents l'an dernier (que j'aurai toujours 7 ans après) pour me consentir une PQ de trois mois (PQ = Physical Qualification, sans cette garantie condition physique et santé pas d'Antarctique). Non, ce n'est pas elle. J'apprends qu'elle est éventuellement urgentiste (traitement des caries sur la banquise ?). Sympathique. Bavardage et plaisanterie sur le thème du snow camp. Elle va creuser son abri. Elle est amateur de scotch, elle en a apporté. J'ai du bourbon. Rendez vous dimanche.
Je repasse à la chambre silencieusement prendre mes affaires pour une toilette de chat.
Crary Lab ensuite. Il fait enfin beau. Le paysage est ensoleillé. Le ciel est légèrement voilé quand même. Je prends le temps d'admirer l'incomparable panorama qui nous est offert depuis les fenêtres de la bibliothèque - panoramiques cela va de soi - sur la chaîne de montagnes du continent de l'autre coté du détroit de McMurdo en face de nous (chine Victoria). Trop beau. Petite débâcle de glace de mer devant le village. Les trous de fonte s'agrandissent en mares d'un beau vert. Messagerie. Transfert pour Laurent de mes fichiers ppt de la présentation de nos résultats faite à la dernière réunion de collaboration à College-Park en juin 2008, pour préparer la suivante. Messagerie générale. Rédaction de mon journal. Je vois le mont Discovery émerger de l'appui de fenêtre derrière mon écran.
Il est 10h45. Il fait beau. Je n'ai pas couru depuis plus d'une semaine. Je vais courir. Passage à la chambre où mon voisin dort encore. Je m'habille en silence. Collant, capilène + sweat laine polaire, coupe vent autour de la taille, bandeau pour les oreilles, gants de laine minces, et en route. 11h++. Temps idéal. Fraîcheur tonique. Je trotte jusqu'à Scott Base. De là, retour par un sentier piétonnier que j'emprunte après avoir vérifié auprès d'un conducteur d'engin que c'est autorisé. Je ne contourne pas la colline par le front de banquise car c'est plus long et je crains d'avoir à me presser pour la cantine qui ferme à 12h30. Je garde ça pour plus tard, dimanche par exemple. Retour un peu avant midi. Mon cothurne est réveillé. Nous échangeons quelques mots. Anita fait un troisième tour mais sa trajectoire pose problème. Douche. Cantine. Shepherd bowl, genre parmentier en pire, un peu poutine québecoise, mais jai faim. Gâteau trop sucré. Je bois beaucoup.
Je croise Gaston en sortant. Il attend le cours de Word niveau 1.
Nous bavardons. Castle Tower n'est pas si long que son copain le prétend (5h) sauf si on fait la sieste au sommet. Quel type sympa.
Bout de sieste. Puis je pars faire un tour à Hut Point, des fois que quelques manchots seraient à la plage. Le vent s'est levé. Pénible. Le phoque de l'autre jour est toujours là, si c'est le même, tout à sa bronzette somnolente au soleil.
Sur l'horizon une petite forme vaguement rectangulaire, un peu plus haute que large est apparue depuis l'autre jour. A la jumelle on distingue de vagues structures et une petite fumée ascendante. Le brise-glace (Oden, suédois) est en route pour McMurdo. Il sera là demain sans doute. Et derrière lui les baleines. Chouette. Pas un manchot en tous cas ici.
Je monte le long de la crête. Un des skuas apparaît, puis l'autre. Bizarre, pas de trace des poussins. J'explore le secteur. Rien. L'un des deux me suit à distance. Il se pose, toujours pas très loin de moi. J'essaie de croire que leurs loupiots ne se sont pas fait bouffer par la concurrence, mais l'espoir est mince. Je redescends vers le village en coupant par un sentier direct. Retour à la chambre un peu transi et les oreilles bien aérées. Je soigne cette faiblesse avec une canette de Bass ale. Transfert des photos, puis Crary lab.
Je retrouve Sasha attablé à la cantine, à la table voisine de celle où Matt est attablé avec deux copines dont une était au stage de neige avec moi. L'équipe n'a pas l'unité qui prévalait l'an dernier pour la préparation du vol. Matt est d'une austère discrétion. Froideur ou timidité, peu importe. Je le trouve gentil. Nous discutons. Demain nous sommes seconde priorité sur les Bassler, ce qui nous laisse peu de chance avec le handicap ajouté de la météo.
Sasha m'informe que cest son anniversaire demain. Je collerai après dîner un message à une partie de la collaboration pour qu'on le bombarde de (e-)cartes de vœux. Ma bouteille de rouge kiwi va tomber juste à point.
Adeline la petite plongeuse polaire nous rejoint à table. Nous parlons plongeurs et plongées et plongeons. Mauvaise surprise, elle nous apprend que le brise-glace que jai aperçu cette après-midi ne viendra à McMurdo qu'après le 20 janvier. Raison bureaucratique semble-t-il. Adieu baleines, orques, dauphins, phoques, manchots. Beuh. Cela commence à faire beaucoup d'espoirs déçus.
Longue partie de cartes postales (une quarantaine) après le dîner au Crary lab où il fait une chaleur à mourir, invraisemblable, pour le second soir consécutif. Jusquà 22h15, accompagné par "Les sept dernières paroles du Christ" version quatuor à cordes (les Mosaïques). Puis au lit avec Le Clézio pour un moment. Mon cothurne rentre pendant ce temps. Quelques mots de convenance depuis derrière la couverture qu'il a installé en rideau entre nos deux territoires, et qui fait que quand je rentre je ne sais jamais sil est là ou pas. J'éteins vers 23h.
Samedi 10 janvier
Réveil à 7h. Séquence habituelle. J'envoie une carte postale électronique à Sasha pour son anniversaire. Je vais faire ma première lessive, mon sac de linge sale est plein. Je retrouve Sasha à la cantine vers 12h30. Pas de vol ce matin. Il attend la mise à jour des infos pour la suite. Son beep sonne pendant qu'on discute: pas de vol aujourd'hui ni demain. Comme il a laissé son appareil photo au LDB, il doit y retourner pour le récupérer. Sinon, pas avant lundi.
Après-midi au Crary Lab. Une fille, bien quadra, vient me questionner sur le programme sur lequel je travaille, vaguement inquisitrice. Je ne me souviens pas de l'avoir jamais vue auparavant. Elle sest adressée à moi très directement en arrivant, comme si elle était venue pour ça. Je pense qu'elle veut savoir si ma présence dans cette enceinte est justifiée. Je lui réponds. Elle est glaciologue. Elle a séjourné à Grenoble dans le labo de Lorius, rue Très-Cloître dit-elle (!) en 82. Petite conversation. Elle est rassurée.
Dîner à 18h, je retrouve Sasha et Matt au galley. Kim arrive, ravie de son snow camp. Je l'informe que c'est l'anniversaire de Sasha. Je sors ma bouteille de vin kiwi. Un assemblage Cabernet-Sauvignon, Merlot, Malbec. Inhabituel. Les tanins du malbec sont assez dominants et donnent au vin le caractère d'un Cahors plus que celui d'un Bordeaux. Un vin assez boisé aussi. Pas déplaisant. Marco nous rejoint et nous formons une tablée assez joyeuse. Matt est silencieux, ce qui semble être son état normal. Il est aussi beaucoup plus jeune que les autres convives. A la fin il s'ennuie ferme je crois. Sasha nous donne un cours d'histoire slave. Il est aussi un peu historien.
Après le dîner nous nous retrouvons dans la salle commune du bâtiment 207, avec des provisions. Cerises (NZ ?) et gâteaux apportées de la cantine, scotch, bourbon, et sodas divers. Après un toast d'anniversaire pour Saha, nous alternons entre la table de billard et celle de ping-pong. Des collègues de Marco, pilotes et mécanos d'hélicoptères arrivent. Champions de billard. La soirée se passe joyeusement. Kim décroche la première. Je déclare forfait un peu après, vers minuit. Les autres resteront encore longtemps.
Mon cothurne dort. Je me mets au lit discrètement.
Dimanche 11 janvier
Grasse matinée. Réveillé vers 7h, je me prélasse dans une douce et cotonneuse euphorie, sous la couette douillette, entre les eaux calme du sommeil et les premiers pétillements de la veille, jusque vers 8h45. Rare occurrence. Après une douche expédiée, j'évacue la chambre pour laisser dormir mon voisin.
j'attrape un mug de café au galley et je vais me poser à la bibliothèque. Face au mont Discovery. Le temps est gris et moche. Pas un seul jour de grand beau depuis le 3 janvier. Quel été pourri. Bonheur, j'ai un message de mes loupiots qui me racontent leurs exploits récents et des histoires de leur cru. Je réponds vite et assez longuement en les félicitant, et je leurs joins des photos des skuas, du phoque et du camp de neige, qui illustrent leurs contes. J'envoie quelques messages ensuite aux gens de l'association de village à St Jean et du Pic Vert (asso naturaliste régionale), pour les réunions à venir.
Vers midi, je laisse mes affaires sur place pour un brunch plantureux: œufs au plat, saucisses, waffle (matefin de ma grand-mère en plus léger), fromage (rare ici), toasts, banane, fruits frais arrosés de yaourt, et bassine de thé. Je me gave avec lenteur et bonheur.
En sortant j'aperçois Sasha et Marco attablés à l'autre bout du Galley. Je m'installe toujours près des fenêtres (de la lumière du jour en fait, phototropisme naturel, assez impérieux), et eux toujours au fond de la salle. Nous parlons de la soirée. Kim passe. Nous décidons d'aller faire un tour à Hut Point car le brise-glace approche semble-t-il, ce qui est une fameuse bonne nouvelle.
Le temps est couvert avec un peu de vent. Il fait un peu moins froid qu'avant-hier. Nous y sommes en dix ou quinze minutes. Joie, le brise-glace est à 2-3 miles de la pointe. Il sera là demain au plus tard. Mitraillage photographique évidemment. Nous ne nous attardons pas trop.
Bibliothèque ensuite où je reprends l'organisation de ma page internet abandonnée depuis avant les vacances de Noël. Je réalise que mon journal de Waza est une version brouillon, la version finale étant sur le PC maison. Nous verrons cela plus tard.
Dîner avec Sasha et Marco. Sasha a eu un contact de Rich. Même statut que samedi pour le vol sur CREAM demain : nous sommes seconde
priorité. Cela va être la quatrième demi-journée 7h-14h que Sasha et Matt passent à se préparer et à attendre l'annulation du vol.
C'est à dire se lever très tôt, prendre la première navette Delta pour le LDB, faire les formalités, attendre les dernières infos météo, et… revenir en navette Delta. Pas vraiment joyeux. Finalement je suis moins amer d'avoir dû renoncer au premier vol et pas fâché du tout d'échapper à cette séquence infernale.
Conversation de restau du coin. Nous abrogeons unanimement le capitalisme sauvage. Je les convertis aux vertus du concept de service public.
Conférence du dimanche soir sur la météo Antarctique ensuite. J'en attendais beaucoup. Grande fut ma déception. Catalogue instrumental. Pas un mot sur les mécanismes physiques qui font cette météo. Pourtant il y avait à dire.
Ensuite Sasha et Marco filent. Je vais jusqu'à Hut Point faire des photos du brise-glace qui sapproche et des jolis motifs que dessinent les flaques de fonte vertes sur la glace de mer blanche et scintillante, en évitant la grève où tout est gris sale. Le soleil (bas, c'est la nuit !) daigne faire une apparition. J'attrape aussi quelques images colorées sur le fond de cendres volcaniques qui constitue le décor assez uniforme du site. Univers basaltique uniformément noirâtre qui ajoute à l'ambiance de carreau de mine du village. Avec les terrils que forment les coteaux environnants on pourrait s'y tromper. Seuls quelques névés résiduels accrochés dans les plis du relief rappellent vaguement la latitude. Finalement je vais me coucher, un peu frigorifié quand même, vers 23h30.
Même s'il ne quitte pas le ciel le soleil de minuit est bas néanmoins et la température s'en ressent.
Bryan nest pas rentré. J'en profite pour lire un peu en sirotant une Sierra Nevada en guise de tisane.
Lundi 12 janvier
Réveil à 8h15, malgré une brève interruption technique quelque part au milieu de la nuit, merci la bière. J'ai manqué le créneau petit déjeuner. Pas grave.
Je vais faire quelques photos du brise-glace qui manœuvre maintenant devant la péninsule. Le temps est toujours moche. Bof.
Je passe au galley pour attraper un café et je me connecte dans la salle d'ordis voisine. Messagerie rapide. J'envoie à Magali le n° de tel d'ikea Lyon pêché sur le web ! (ne riez pas) Merci internet. Cela va me valoir un lavabo de salle de bain à remplacer au Boutillon. Retour en salle de restau (dans le même bâtiment) pour une pomme, un croissant et un bol de pétales de maïs.
Cap sur la bibliothèque ensuite d'où je regarde évoluer le brise-glace. Il fait des ronds dans la glace devant la péninsule de Hut Point qui ferme une petite rade où se trouve le môle d'escale des bateaux. La manœuvre a sans doute pour but d'agrandir l'espace de navigation ouvert et de permettre à ces derniers de manœuvrer. J'espère que la bonne nouvelle va se propager sous la banquise et que cela va donner des idées aux baleines et aux manchots. Je dois revoir mes idées préconçues sur l'anatomie des brise-glaces, dont je pensais qu'ils étaient pourvus d'une étrave étroite pour ouvrir le chemin. Il n'en est rien pour celui-ci qui est au contraire pourvu d'une proue comme celle des anciens bacs de l'île de Ré. Le fond plat (vu d'ici) du bateau s'arrondit en une plaque verticale qui constitue un front avant sur toute sa largeur. J'en conclue qu'il est pourvu de moteurs puissants qui lui permettent de chevaucher la couche de glace qui rompt sous l'effort vertical du poids de la proue.
Un skua patrouille autour, sans doute plus que ravi de cette aubaine qui lui garantit probablement l'abondance de nourriture pour les quelques semaines restantes de l'été austral.
Le temps se bouche un peu plus. Il commence à neiger. J'abandonne l'observation du brise glace pour une longue partie de cartes postales et de timbrage en utilisant les planches de timbres achetées l'an dernier sur internet à la poste US, qui furent livrées à Eun-Suk, et qu'elle avait malencontreusement laissées à CHC dans son bagage. Les tarifs ont augmentés depuis et il me manque des timbres de 1c et 2c que je trouverai à la poste sans problème en début d'après midi. J'en profiterai pour coller des tampons souvenirs sur toutes les cartes.
Je retrouve mes compagnons habituels au déjeuner. Sasha et Matt sont rentrés. Pas de vol aujourd'hui.
Exercice d'alerte incendie au Crary lab l'après midi. Distrayant.
Dîner avec Sasha et Kim. Marco est au Yoga. Un manchot a séjourné un moment devant le village. Il fallait ne pas être à la biblal
pour être informé. Grrr.
Soirée avec les mêmes, au lounge du bat 207 où nous regardons un film emprunté à la vidéothèque et recommandé par Kim : Shine (1996),
australien (Scott Hicks). J'étais un peu méfiant, mais je suis vite emporté par l'histoire. Oscars d'interprétation à Hollywood. Pas volé. Je n'arrive pas à identifier l'air de Vivaldi qui souligne la gravité solennelle des scènes de la fin. Je pensais au Stabat Mater, mais finalement c'est plutôt un aria d'un de ses magnifiques motets. Conclusion confirmée plus tard (samedi), merci internet, il s'agissait de Nulla In Mundo Pax Sincera (Jane Edwards) Bref, c'est le point de départ de nos discussions musicales. Partie de billard ensuite, amusante, en éclusant une bouteille de Riesling australien apportée par Kim. Un peu doux à mon goût. Sasha appelle Rich pour notre statut demain : comme aujourdhui. Seconde priorité sur les Bassler. Ça devient lassant. Le temps s'étire un peu. Tuons le. Pas difficile ici, sans même avoir l'impression de le perdre.
Nous voyons le brise-glace s'en aller doucement, en bousculant la débâcle qu'il a produite, vers d'autres horizons. Il reviendra. Fin de soirée vers 23h30.
Mardi 13 janvier
Eveil à 7h30. Bonne nuit, un peu interrompue, à cause du vin blanc sans doute. Je file au petit déjeuner. Kiwi (les fruits, oui oui !), toasts beurrés, corn flakes, thé.
Temps gris. Petit brise teigneuse. La météo dit -3°, -10° windchill.
Bibliothèque et messagerie après un retour à la chambre pour une brève toilette. Cartes postales, suite et presque fin. Café vers 10h30 au galley. Le temps s'éclaircit et quelques rayons d'un soleil parcimonieux nous parviennent, lorsqu'ils arrivent à passer entre les nuages bas qui défilent depuis le sud.
Je passe faire mon autoportrait devant le panneau McMurdo, en train de lire le Phare de Ré que j'avais apporté à cette intention, pour contribuer à la tradition de cette bonne et unique feuille rhétaise, dont le but est de montrer qu'elle a des lecteurs aux quatre coins du monde. Je me gèle bien les doigts. Heureusement le vent est un peu tombé. Plusieurs coups d'œil scrutateurs en cours de matinée sur la zone ouverte par le brise-glace. Infructueux. Pas de manchot.
Déjeuner à 12h30. Je retrouve Kim, Matt et Sasha. Pas de vol aujourdhui pour nous comme prévu. Sasha me dit qu'il est arrivé que la
récupération ait lieu vers le 15 février dans les années antérieures. Moi le 14 je roule vers St Véran avec mes loupiots, pas négociable, enfin..., nous verrons.
Retour à la biblal. 14h15, revoilà le brise-glace. Il doit élargir son chenal. Je serais curieux de connaître le montant de la facture que les suédois présentent aux américains pour ces petits travaux de voirie. Il laisse une trace de glace concassée qui se distingue par sa couleur bleue-verte qui contraste nettement avec la couleur de surface de la glace ancienne dont la composante rouge est là nettement mise en évidence. Intéressant. micro algues ? Le skua patrouille toujours le chenal.
La bonne nouvelle du jour tombe avec un message de la coordination SSI de Grenoble (Semaine de la Solidarité Internationale): Hortefeux serait viré. Si c'est vrai j'offre le champagne ce soir. Deux ans bientôt que lui et ses sbires en imper gris sale ou en uniforme faisaient la sortie des écoles pour leurs petites rafles honteuses, de petits exécutants d'une basse politique qui n'aura servi qu'à dévaster la vie de quelques milliers de familles misérables et souvent désespérées pour les rendre plus misérables encore, et même à les supprimer pour certains. A quoi pensez-vous quand des réfugiés se tuent en se défenestrant ou en se jetant dans la Seine pour échapper aux flics ? ça vous rappelle quelque chose ? C'était en France, en 2007. Qu'il aille en enfer, et qu'il y reste. C'est sa place.
En fait j'apprendrai par Magali ce soir qu'il a juste changé de casquette, promu au ministère du travail. Un triomphe. C'est assez complémentaire de la chasse aux sans papiers, il pourra faire la chasse aux sans travail. Bon courage aux syndicats.
Après-midi dans photoshop et ma page web. Bizarre, je sens venir doucement les symptômes bien connus de la grippe. Je suis vacciné
pourtant. La perception se fait de plus en plus précise au fil de laprès-midi, et au dîner, avec les mêmes que d'habitude, il n'y a plus de doute. Je suis malade.
Nous sommes programmés pour demain sur un Bassler.
Je m'eclipse tout de suite après la fin du repas pour aller me mettre au chaud. J'attrape un DVD en passant à la boutique, et je regarde "The Constant Gardener" que je navais pas pu voir lorsqu'il est sorti en France. Superbe. Encore une incitation à l'insurrection. Le film est long (2h).
Je vais téléphoner à Magali. Je lui dis que je suis fatigué, mais je ne lui parle pas encore de la grippe. Nous verrons demain. Ensuite je cherche à me connecter, mais pas une connexion ethernet de libre pour mon PC. Je dois utiliser un des PC libre service et utiliser le site de messagerie IN2P3. C'est affreusement lent. Je colle un message au toubib du CNRS à Grenoble en lui demandant s'il a des recommandations. Il ne répondra pas, pourtant il est 10h du matin là bas. Et je file me mettre au lit.
Depuis que je suis ici mes nuits sont à la limite inférieure du confort en température. Je suis toujours un peu frileux au petit matin. Avec la fièvre qui galope, il faut que je trouve une solution pour cette nuit. Et là me vient à l'esprit que mon jeune cothurne a tendu une couverture en guise de rideau entre nos deux moitiés de la chambre, et je me demande quel est le statut de cette couverture. Comme il est là lorsque j'arrive, je lui pose la question. Il me répond qu'elle a été laissée par le cothurne précédent et que je peux la prendre. Ce que fais.
Je m'installe pour la nuit. Je garde un T-shirt supplémentaire. Mon pyjama sans manche (erreur de casting) va-t-il être un problème ? Et je plonge sous la couette. Je me recroqueville et ma souille devient vite une petite fournaise (souille = terme rétais qui désigne la légère dépression que creusent les poissons plats la nuit dans le sable pour y dormir discrètement), mais une fournaise infiniment plaisante. Je suis brûlant, disons 39°, mais pas suant du tout, et la forte chaleur qui m'enveloppe prévient les frissons. C'est dans l'engourdissement de cette euphorie délicieuse que commence une nuit intéressante.
Impossible de dormir. Mon rythme cardiaque tourne à plus de cent pulsations par minute. Et ma vigilance est maximum. Il en sera
ainsi jusque tard dans la nuit. Dans cette ambiance presque jubilatoire, je me dis que je peux penser à des choses intéressantes. Je commence à penser à un conte pour mes loupiots. Au fil des minutes je compose mes personnages. Il y aura un brise-glace, un manchot, un phoque léopard, un orque et une baleine. Le brise-glace ouvre la voie, le manchot veut pêcher derrière, le phoque léopard veut manger le manchot, et l'orque veut manger le phoque. Je ne sais pas trop encore ce que fera la baleine mais elle pourrait être le juge de paix. Si je suis un peu sec sur l'argument de l'histoire, je puiserai dans les contes africains. Je ne fais pas cela de manière continue, mon esprit se détourne souvent d'une réflexion vers une autre. Parmi celles-ci, j'entreprends aussi de refaire un peu le monde en solo, ainsi de Monsanto une entreprise de bienfaisance écologique…
Puis mon activité mentale s'estompe pour renaître ailleurs, etc... Bref, cette divagation dure très longtemps. Vers 2h, j'ai l'impression que la température de la chaudière s'est stabilisée. Bonne idée. Je dois m'arracher à la chaleur des draps pour faire un aller-retour toilettes. Je ne sais pas trop quand je me suis endormi finalement, peut-être vers 3h.
Mercredi 14 janvier
Réveil à 8h. Petit dej' rapide et léger, corn flakes et thé. Rayon de soleil en traversant la place (DJ, Derelict Junction). Vent modéré. Je suis frileux. Ma journée est partagée entre la prostration enfiévrée qui n'arrive pas à être méditative, et mon PC, moins poétique, allongé sur mon lit que je ne quitterai dans les deux jours à venir que pour aller m'alimenter, et m'abreuver avec forces tisanes et thés. Je retrouve les mêmes copains à chaque repas. L'après-midi j'écoute la St Mathieu (version Herreweghe) très attentivement au début. Plaisir musical immense. Puis je m'endors un moment. Je continue à travailler ensuite à rendre présentable ma page web pour y coller ce journal et envoyer le lien aux copains. Alain m'a encouragé à le faire avec une insistance à laquelle je ne saurais résister. Au lit à 21h. Fatigué.
Jeudi 15 janvier
Bonne nuit. Réveil à 8h30, puis 9h15. J'ai bien mouillé le pyjama et les draps cette fois. Je ferai une lessive demain. Je file à la douche. Et sous l'averse, aaaaargh ! je réalise que j'ai oublié ma serviette de douche. Heureusement ma chambre est en face de la salle de bain,. Je sors de la cabine, je me secoue comme Bouba, le chien de Fred et Sev, et je fonce pyjama à la main. Personne dans le couloir, ouf. Je le traverse en un éclair. Ici, il suffit d'une paire d'yeux prudes (les logements sont mixtes) pour que Big-brother-NSF soit informé de la présence d'un exhibitionniste dans le bâtiment. Et alors bonjour les ennuis.
En repassant pour me laver les dents, j'entends aussi la femme de ménage grommeler que quelqu'un a fait une inondation. Lâchement je ne me dénonce pas.
Je jette un oeil sur le statut des vols programmés. Le notre est annulé une fois de plus, la sixième, annulation météo toujours. Et j'apprendrai plus tard dans la matinée que la mission à laquelle nous faisons place - vers le pôle sud, météo ok pour eux - va mobiliser l'avion deux jours.
Déjeuner avec Kim, Sasha, Matt et une copine à lui qui travaille dans les vallées sèches (dry valleys). Je trouve la bouffe assez déplorable, et j'en laisse une partie. Marco passe, il n'a pas volé, zéro visibilité en face. Dur pour un hélico. Le sujet du jour, c'est l'exposé prévu ce soir par le prince Albert de Monaco en visite à McMurdo. Il parait qu'il milite pour la protection de l'environnement. Al Gore et Charles d'Angleterre ont dû lui donner l'idée. Je préviens mes amis qu'ils doivent s'attendre au pire, même si celui-ci n'est jamais certain. Je file à ma chambre dès le repas terminé.
J'écoute les "african-american ballads" enregistrées par Folkways Records dont je suis un ami et client fidèle (Smithsonian Institution), tout en brassant les digits. Sélection de photos pour la page internet. Partie de photoshop pour améliorer un peu certaines photos de CHC. Succès. Je fais des millions de fautes de frappe qui m'énervent.
Dîner un peu avant 18h. Je décline la proposition insistante de mes compagnons de rester pour le Prince. Je vois mal comment ce prince, charmant sans doute, pourrait aussi être passionnant, et je suis crevé. Bien trop crevé.
Je reprends mon activité digitogène. 21h, Kim appelle. "Michel, we are at the coffee shop, we need you ! please come". "OK, I call my wife and I join for 30mn, sharp !". J'ai l'impression d'aller un peu mieux. Donc je passe appeler Magali, on parle un bon moment, elle part à Paris demain pour garder Capucine pour le week-end chez Elise. Puis je vais au Coffee Shop (à 50m du galley) où Kim et Sasha sont au bar devant des verres de vin. Comme anticipé, Sa Majesté Albert a été pitoyable, et a déversé sur l'assistance un flot de lieux communs et de généralités princières. Kim est allée le voir ensuite pour lui poser une question, à laquelle il a répondu de la même manière. Mais Sasha a fait une photo de Kim face au Prince, dont elle est ravie. Nous passons vite à autre chose et nous commençons à parler musique. Dans la discussion je propose à Kim de lui passer les enregistrements que j'ai ici. Elle a carrément apporté une collection de disque. Je découvre sa grande culture musicale. Elle pratique aussi le piano et elle me chante a capella un des Kinder Toten Lieders. Elle adore Malher. Donc nous sommes vite au diapason. Pour une fois, Sasha n'anime pas la discussion, mais il y participe activement. Nous nous racontons nos émotions musicales récentes, elle, ses concerts à Vienne, moi le fantastique concert du Berliner Philarmoniker dansons temple à Berlin, le 29 août - cadeau de départ en retraite, merci encore les copains - et le souffle incroyable de la Xème de Chostakovitch par l'orchestre miraculeux du Philarmoniker avec Simon Rattle aux commandes. Spectacle musical inouï, qui donne idée du travail du chef et de l'orchestre lorsque tous les instruments (80) jouent ensemble fortissimo dans une fantastique cohérence et vous submerge d'un tsunami musical d'une furieuse et fascinante beauté. Un immense monument. La tragédie des années 40, la fureur des batailles, les effrayants silences qui les suivent et les séparent, et les longues plaintes qui les habitent, sont là. L'écoute est difficile au disque, pour moi en tous cas, d'une œuvre d'où la mélodie à la Schubert est bannie, mais vécue comme une formidable révélation, qui me fit l'éblouissante démonstration que la musique peut aussi être autre chose, moyennant qu'on la reçoive dans les bonnes conditions. J'en suis revenu totalement converti aux symphonies de SMC, en public, dont j'étais déjà fervent amateur de la musique de chambre.
A 22h je file. Kim et Sasha aussi.
Je me remets au travail. Le placement des photos prend du temps - il faut passer par photoshop, la messagerie aussi, Alain, le message sur le lien vers ma page, la sélection des destinataires, et Fernando, Le Pic Vert, Planète-Urgence, Jean-François, et les autres. Finalement j'éteins à minuit et demi, bien fatigué.
Réveillé vers 3h30, sans raison évidente, et mal dans ma peau. Le reste de la nuit sera un mauvais souvenir. Rien à voir avec l'euphorie vaguement créative de la nuit du 13. L'insomnie comme on la craint. Je me rendors quelque part au petit matin.
Vendredi 16 janvier
Je me dis qu'il doit être assez tard lorsque j'émerge du sommeil. Je regarde ma montre et j'ai du mal à la croire. Comme Bryan vient de bouger, je lui demande, "Bryan, is it really eleven fifteen ?". Réponse positive. Il est 11h15 et je ne suis vraiment pas en forme.
Je me traîne à la douche où je séjourne le temps recommandé, cinq minutes. Je ne l'interromps pas pour me shampouiner et me savonner comme d'habitude. J'ai du mal à m'en extraire. Je me rase aussi pour avoir l'air moins dévasté; Je me fais un peu peur devant la glace. Zombie yeux rouges au milieu de la figure. Et fatigué dès le réveil. Pas bon signe. Ma grippe traîne, un peu trop.
Je vais au galley. Temps couvert, il fait froid, température -5 (-12 avec le vent).
Sasha est là avec Matt. Comment ça va ? Pas terrible. L'appétit me lâche un peu aussi. Il faut dire qu'il en faut vraiment pour avaler ces éternels chicken breasts ou hachis de viande de boeuf dans une sauce corrosive. Des nouvelles du vol ? pas encore.
J'avale ce que je peux, fruits et jus surtout, bout de boeuf genre daube, j'en laisse, fruits au sirop, thé.
Je retourne vite à ma chambre, pour une après-midi silencieuse, semblable à celle d'hier.
Antje me dit que la présentation à la réunion de collaboration de CREAM a été bien reçue et que les gens sont contents du progrès de l'analyse des données. Très bonne nouvelle. Un an de travail, tout rond. Et ce n'est pas fini. Bravo à Laurent et Antje. Elle a lu mon journal et me demande de passer le bonjour à Marco, Gaston, et Sasha.
Un message circulaire annonce que le tanker Gianella approche pour décharger le fuel de l'année prochaine au quai du port (taillé dans la glace).
Dîner à 18h. Sasha et Matt sont à table. Sasha est manifestement tendu et sombre. Vol programmé à 8h30 demain (7ème tentative). Ils devront se lever encore à 5h30 pour aller à Willy Field. Mais Sasha est aussi programmé pour faire à distance la présentation du statut de son détecteur en construction (TRD, détecteur de rayonnement de transition) pour CREAM V à la réunion de collaboration en cours à UMD, à 9h30 Eastern time, donc 3h30 ici, en même temps qu'un russe du CERN. Donc sa nuit va être très courte. Il a évidement dû assurer la préparation de la liaison téléphonique. En prime, comme Opher a quitté la collaboration, les gens d'UMD l'accablent de questions techniques, car ils ne savent pas utiliser le logiciel d'architecture mécanique, en particulier le coréen d'Ewah Women University (EWU, Séoul) embauché par Eun-Suk pour remplacer Opher, qui a l'air un peu fou et qui semble bien l'être un peu. L'impitoyable Eun-Suk de son coté l'accable de questions sur les factures et autres éléments budgétaires sur son détecteur, qui sont disponibles sur leur compte au CERN, mais auquel il n'a pas accès car Eun-Suk ne lui a pas délégué la signature. Il faut donc qu'il contourne le problème. Il faut vraiment sa placidité pour accepter d'être traité comme ça. Mais il n'a pas le choix car il est "research assistant", payé sur le budget de recherche de la dame, qui peut le virer du jour au lendemain, et qui n'hésiterait probablement pas (elle le fera en 2014), dès qu'elle aurait un remplaçant en vue. Il n'y a qu'au CNRS qu'on peut s'offrir le luxe d'un bras d'honneur à une direction quelconque quand elle abuse de manière aussi odieuse.
Rich arrive. Kim a mangé ailleurs avec des collègues. Elle arrive après. Je parle un peu des HT 2kV avec Sasha pour son TRD.
Retour à ma chambre avec une tisane. La fièvre est modérée maintenant, mais je suis très fatigué. Il fait froid.
Un gros souci est en train d'émerger sur cette constatation, qui mijotait évidemment dans les limbes depuis quelques jours, mais que je laissais dans l'ombre plus ou moins consciemment. Si le vol de demain aboutit, s'ils peuvent intervenir comme prévu sur place, et si le suivant est programmé après-demain, il faudra que je sois dans un état physique suffisamment bon pour partir. Sinon après le renoncement par courtoisie, ce sera le forfait pour raison de santé. Et cela serait très très dur. Mais je ne vais pas prendre je risque de faillir, voire de défaillir, sur le plateau à 800km de McMurdo et 500km de Dumont d'Urville. En fait, si la décision était ce soir pour demain, je renoncerai. Tu n'avais qu'à rester à la maison papy, ces exercices ne sont plus de ton âge. Bouffée de fièvre. Douleurs pulmonaires toujours présentes. Moral en berne. J'irai voir le toubib demain au cas où il saurait faire les miracles.
8h Sasha m'appelle. Kim a les clefs de Scott Hut (cabane historique, première base de Scott pour le pôle Sud) sur le bout de la péninsule, et m'invite à la visite. Normalement cette visite est impossible sans encadrement. Je l'ai visitée l'an dernier et je suis trop fatigué. Je décline. J'appelle chez Elise. Magali m'enjoint d'aller à la consultation. D'accord j'irai voir le toubib demain.
Je colle ce texte sur la page et je me glisse dans les draps. Il est 22h30. Je m'endors assez rapidement et je suis réveillé une heure plus tard. Pour éviter une nouvelle nuit difficile j'ai recours à une méthode qui marche bien: un demi Zolpidem. Résultat, vol sans escale jusqu'à 7h.
Samedi 17 janvier
Après le déjeuner je vais me faire une courte sieste, puis je me présente au McMurdo General Hospital. Une secrétaire sympa m'accueille. Un type en uniforme, pas sympa, du tout, mâchoire carrée, lèvres serrées, commissures plissées, poil ras, regard glacial, qui rappelle le sergent hallucinant de Full Metal Jacket, me tend un formulaire et me demande de le remplir. Je m'exécute. Kim déboule de son cabinet. Elle m'a entendu. On rigole un brin, sous l'oeil vide du militaire. Je n'ose pas lui demander si ce type est mon toubib, mais ça me semble évident et j'ai un peu peur. Ensuite je suis invité à suivre le monsieur dans un box d'examen. Il me fait asseoir et me demande un doigt. Je lui propose mon pouce. Non, un doigt. Je propose les quatre autres. Il me branche une pince électrode sur l'index, m'enveloppe le bras du tensiomètre et me demande de lever la langue, il y colle un thermomètre dessous, démarre ses appareils et s'en va sans un mot. Il revient peu après, note les valeurs mesurées et disparaît à nouveau, toujours sans un mot. Soulagement, c'est un infirmier. Joyeuse consultation !
Activités habituelles ensuite jusqu'à l'heure du dîner. J'arrive en retard car j'ai oublié mon ballot dans le sèche linge et j'ai dû aller le récupérer avant de partir. Il faut savoir que les cas de vols sont rares ici, et même s'ils ont jamais existé depuis que BigBrother-NSF veille sur nos destins.
J'ai un vrai problème avec la bouffe depuis quelques jours. Je trouve qu'elle se dégrade considérablement. J'ai dû consommer ce soir des pâtes molles et froides - en fait j'ai abandonné à la deuxième bouchée - et une pâtisserie couverte d'une meringue avec un taux de sucre à vous rendre diabétique, le tout arrosé de jus d'orange et de tisane de camomille chaude.
Dimanche 18 janvier
Lundi 19 janvier
Boum ! n+1.
Mardi 20 janvier
Retour à la bibliothèque du Crary Lab, face au McMurdo sound (pertuis) et au mont Discovery en face, immuable beauté. Brume sur la glace, et petits cumulus de beau temps qui trottent dans le vent, et longs bancs de nuages qui s'étirent et s'effilochent à mi hauteur sous les sommets. Et pas un manchot.
J'ai plein de messages sympas qui m'entretiennent le moral, Céline, Seg, Sev qu'a un plein temps et qui va nous confier les loupiots, Martial qu'a un cabanon (J'ai changé le nombre de chevrons du dessin sans changer la cote inter chevrons sur le plan du cabanon du Pic Vert, normalement sans conséquence pour qui est familier du problème, mais tel ne fut pas le cas. ça va me coûter un tonneau de bière), Jean, Catherine L.
Et Yo, qui m'envoie des fleurs ! En l'occurrence des photos de la crassula de mon bureau, toujours fleurie (photo), qu'il bichonne en mon absence, avec les autres plantes. Elle avait commencé sa floraison avant Noël. Je réponds à tous.
Mercredi 21 janvier
Rituel quotidien assez invariable. Il fait un peu moins froid qu'hier: -7, -15 avec le vent (Est 14 noeuds). Scrutation du terminal, la tripe un peu nouée. Rebelote, vol annulé pour la 10ème fois. Il commence à être clair pour moi qu'on ne va jamais y arriver comme ça. Zéro succès sur 10 tentatives en douze jours. Et il faudra au moins 1+3 vols sur le site pour démonter et récupérer le matériel, car les durées allouées sur place sont contraintes par celles légalement autorisées, des vols (12h ou 14h selon le type d'avion). Tout ça commence à bien m'énerver car on passe son temps à attendre alors qu'il faudrait commencer à changer de stratégie. Une stratégie terrestre à partir de Dumont d'Urville serait-elle possible ?
Fin de matinée au Crary Lab. Messagerie et rédaction. Quelques phoques, 5-6, se sont installés dans le virage du chenal d'accès, assez loin, mais on les distingue à le jumelle. On attend les manchots. Je prends rendez-vous chez le toubib pour la visite de contrôle demain matin à 9h15.
Après-midi nonchalante au Crary Lab. Rédaction de mon histoire de manchot pour loupiots. Je cherche des illustrations.
Le Lawrence H Gianella (tanker d'approvisionnement) est en vue das le détroit. Ping-pong et billard avec Matt et Sasha après le dîner.
Jeudi 22 janvier
Même le dîner nous sourit aujourd'hui. Le potage de légume est très bon. Le boeuf grillé super avec ses pommes de terre, et le cheese cake aux grosses myrtilles délicieux (relativement).
Ballade à Hut Point et partie de photo. Quelques panoramas à assembler si j'ai le temps. Un voile nuageux transparent s'est formé sur les montagnes, c'est follement beau. On verra ce que donnent les photos.
Vendredi 23 janvier
Décollage à 9h. La trajectoire de l'avion contourne l'Erebus (l'île de Ross) par l'ouest, en suivant le pertuis de McMurdo. A gauche la chaîne Antarctique, à droite l'Erebus. Trop beau. Il fait un temps parfait. Pas un nuage. Tous les voyants météos au vert dit le pilote (au jaune hier).
Nous sommes sept: pilote et copilote, Anne Dal Vera, 1 technicien du CSBF et les 3 membres de CREAM. La mauvaise surprise c'est qu'il y a du vent, pas très fort ni très froid, mais qui va nous gêner un peu.
Rapidement tout l'outillage est sorti et nous commençons à travailler au démontage de la manip. Les pilotes nous ont signifié que nous arrêterons à 16h15. Donc nous démontons sans interruption pendant 4h. La jupette blanche qui enveloppe l'appareillage d'abord, puis les panneaux de mousse isolante, puis en parallèle les hodoscopes de scintillateurs, les blocs de photodiodes hybrides. Je m'occupe de débrancher proprement tous les câbles de données et tous ceux de Chercam et d'enlever toutes les vis de fixation de chercam sur ses potences, et les heat pipes. Un beau cafouillage pour le démontage, que ma présence aurait normalement du éviter. Le détecteur est lourd mais Sasha propose de le démonter en même temps que le Cherenkov à seuil qui lui est accolé. Je suis contre et je propose qu'on s'en tienne à la procédure mise au point l'an dernier par Yo & Co et qui avait parfaitement marché. Il commence comme il dit, puis change d'avis. On enlève le CD d'abord. En outre, des éléments de support gênent le passage de Chercam, qu'il faudrait démonter aussi, mais personne ne s'y colle. Je commence, mais les autres procèdent autrement, et finalement l'extraction se fait de la pire manière qui soit, un peu au pied de biche (Alex), à mon grand désespoir. Alex, le technicien du CSBF n'est pas vraiment du genre délicat. Mais finalement le détecteur ne semble pas avoir souffert. J'espère que ce sera confirmé.
Beau décollage cahotant, très à la Mermoz, on sent que l'avion est bien chargé et qu'il faut l'arracher à la neige. Vol retour ronronnant et somnolent. Les gens sont fatigués, les têtes ballottent. Je fais quelques photos.
Samedi 24 janvier
Le réveil sonne à 6h, implacable. J'essaie un petit déjeuner très léger. Je stocke une orange et une banane en réserve pour la journée. 6h50, navette pour le LDB. Il fait exactement le même temps qu'hier, ciel cristallin. Là, nous commençons à ranger un peu l'outillage dispersé hier. 7h30, le téléphone sonne. Aïe ! les visages s'allongent. Sasha décroche. C'est la mauvaise nouvelle. Vol annulé cause météo à destination. Deux-tiers d'accablement, mais un tiers de soulagement car nous sommes tous bien fatigués. Plus rien avant lundi.
Le problème pour moi, c'est que j'ai un billet d'avion pour le samedi 31 depuis Christchurch, dans une semaine donc, et un vol de redéploiement la veille depuis McMurdo. Et je n'ai aucune envie de prolonger mon séjour, que je commence à trouver un peu carcéral. Mais il faut que je commence à préparer un éventuel prolongement car je ne peux pas planter les collègues ici et me défiler si ça tourne mal.
Corvée de lessive indispensable. Je commence à avoir un gros problème avec l'odeur de désinfectant qui règne partout ici, une odeur lourde, écoeurante, et envahissante. Les chiotes du LDB sont le sommet de cette calamité olfactive, mais on la retrouve partout à la fin, ma parka pue le désinfectant, mes T-shirts puent le désinfectant, ma peau pue le désinfectant. Cette odeur diabolique est partout. Je suis sûr que l'enfer pue ce désinfectant. Je ne le supporte plus. Et je soupçonne fortement les services sanitaires de MCM d'en diffuser dans la ventilation des chambres et des salles de bains.
Après-midi au Crary lab. Message de MCM-FixedWingCoordinators: Nous sommes reprogrammés lundi matin.
Ciné après-dîner. "Dancer in the dark". Quelle épreuve.
Dimanche 25 janvier
Lundi 26 janvier
Bon bout de sieste l'après-midi. Formation photoshop. Mon cothurne rentre. Je sais qu'ils ont été annulés comme nous (ANITA). Pas un mot. Nos relations sont au zéro absolu. Il ne dit ni bonjour ni bonsoir. Je me suis fatigué à le faire sans écho. Il m'ignore ostensiblement et je lui rends l'impolitesse sobrement. Gamin mal élevé.
Un message de Rich dit que s'il ne nous recontacte pas, c'est que c'est bon pour demain aux heures habituelles.
Mardi 27 janvier
Après un démarrage lent à cause des câbles du SCD qu'il ne faut pas couper (j'en trouverai un néanmoins, coupé vendredi sans doute), qui sont longs avec des parcours compliqués dans la neige compacte, et qu'il faut dégager cm par cm, les choses avancent assez vite. Après le plan de fibres scintillantes, les deux cibles de carbone sont enlevées en quelques minutes. Sasha connait bien la procédure de démontage du calorimètre (400kg en quatre galettes individuelles) et il n'y a pas de perte de temps. Les modules de la palette support ont été démontés en parallèle. A 17h nous avons terminé.
Atterrissage à 20h40. Temps bien gris après tant de lumière. Débarquement et transport du matériel. Je découvre pendant le débarquement que Louis le copilote est québécois (le sympathique vaurien qui a marché sur chercam) et qu'il parle français comme vous et moi. Je lui reproche de ne pas avoir signalé cela plutôt. On pourrait régler ça au scotch au bistro du coin si on a un moment.
Vers 21h30 nous avons fini. Retour au village. Rendez vous au DJ demain matin à 7h30 pour la préparation des conteneurs et caisses de réexpédition. Douche, journal. A minuit, Je vais dîner avec les midrats, appellation locale des agents en service de nuit. Mais il faut être en poste officiellement et le prouver au contrôleur à l'entrée du galley. Pas midrat ? pas manger ! Revenez à minuit et demi. J'explique avec une certaine humeur que je suis levé depuis très longtemps, que je viens de rentrer d'une longue journée sur le terrain avec 6h d'avion d'acheminement sur et depuis le site, et que j'ai faim et que je suis fatigué, et que…. Ah bon, tu étais en poste ( ok, you were on shift then !), vas-y. Et j'y vais, et sans sourire, pas loin d'exprimer ma grogne plus vertement. La clam chowder est délicieuse et me fait oublier l'incident. Au lit à 0h30.
Mercredi 28 janvier
Jeudi 29 janvier
Déjeuner au galley de Willy Field avec Anne toujours aussi attentionnée à notre égard. Elle aime bien que je trie soigneusement les détritus d'emballage pour le recyclage, ce que je fais partout où que je sois.
Une fois rentré, je fais le ménage de mon antre avant l'inspection. Aspirateur sur la moquette. Puis passage à la poste en vitesse pour un timbre sur une carte postale retrouvée derrière mon lit, et pour les tampons. L'inspecteur du logement passe un peu plus tard, souriant. Il dit deux fois ok en écoutant distraitement mes explications et en jetant un regard circulaire sur la chambre, et s'en va avec le même sourire, moins d'une minute après être entré.
Retour à la chambre pour la dernière soirée, un dernier tour à Hut Point peut-être ? Et en tous cas ma dernière bière. Je vais profiter de ma soirée pèpère. J'appelle Magali, mes loupiots sont là. Ils ont dormi à la maison, Fred aussi. Je peux leur parler un peu. Sasha appelle vers 22h pour un verre au coffee shop. Allons-y. Je prends un verre de Zinfandel blanc, qui s'avère être un rosé, assez doux. Pas mauvais en la circonstance. Rich est là, solitaire. Conversation de café du commerce. Sasha se met en scène comme toujours, gentiment. Je réalise que les tests au CERN du calo d'UMD et du TRD des russes peut se faire avec le faisceau secondaire d'ions pour le développement duquel Ilias m'a demandé de lui donner un coup de main (c'est nous qui avons développé ce type de faisceau en 2002 pour les tests d'AMS au SPS). Y adjoindre Chercam ? La question peut se poser. Le détecteur voyagerait avec le calo. Nous verrons.
Vendredi 30 janvier
Retour à ma chambre vers 11h15. Bouclage des affaires qui restent. Transfert des photos pour la sauvegarde. Puis cap sur le galley pour un dernier déjeuner. Correct. Kim est là. On discute. Sasha arrive. 12:15 ? me dit-il. Yes sir. A 12h rebises à Kim, Salut à Sasha, et je file enfiler ma tenue ECW, puis au bâtiment du transport à Pegasus.
Le temps est radieux. Le Terra Bus est plein de missionnaires et d'employés de McMurdo encombrés de leurs bagages à main et de leurs tenues grand froid. Mon voisin est un thésard qui rentre de trois semaines sur Ice-Cube, la manip neutrinos qui tourne à South-Pole. Il faut 50 minutes pour rejoindre l'aéroport des gros porteurs. Nous arrivons vers 13h30. Le décollage est prévu à 16h30. Du temps à tuer donc. Les volcans au fond du décor me fournissent une fois de plus un arrière-plan de rêve pour quelques photos du site. Pas même le temps de s'ennuyer. Je savoure mes dernières minutes sur le continent et sa lumière divine. L'avion est à l'heure. Un gros C17 au profil de molosse. Bien aménagé (rang de bons sièges au centre, j'en occupe un). Le vol est sans histoire. J'abats les pages de Shackleton avec une gourmandise boulimique ponctuée de petits sommes. Rien à voir aux petits hublots. Temps couvert. A l'arrivée, les fonctionnaires de l'immigration et des douanes sont débonnaires. Au CDC il faut rendre les tenues USAP (gros tas sur lequel on jette tout), et refaire ses bagages. Je n'arrive pas à faire entrer toutes mes affaires en vrac dans le volume disponible. Je dois porter ma gourde isotherme à la main.
Samedi 31 janvier
Sydney-Dubaï, 14h de vol. On nous sert un autre dîner après le décollage. Je décline, mais je prends de l'eau et une bière. Je commence à regarder un film. Qui me barbe (Hitchcock). Je pars naviguer dans le vaste espace musicaI classique offert au voyageur. Ce sera Prokofiev. Il est plus de minuit (NZ). Je décide de dormir. Ce sera 6h. Mon voisin est épaté. Puis j'alternerai lecture et sommeil, encore, en musique. Bref, il fallait tuer 14h, et ce fut sans même que l'ennui s'insinue cette fois. Petit déjeuner bienvenu. Avertissement: Si vous voyagez sur Emirates, n'espérez pas boire votre vin avec votre repas, ni votre café avec votre petit déjeuner. Les boissons sont servies entre 15 et 30 minutes après les plateaux. Atterrissage 5h30 (locale, 2h30 en France, 14h30 NZ et McM).
Embarquement. L'hôtesse en furetant dans le coffre à bagages, fait tomber mon fourre-tout photo. Choc mou grâce à la moquette et au rembourrage du sac, mais assez dur quand même pour avoir provoqué des dégâts. Je pense que c'est le 400mm qui a tapé fort. Je lui indique que le sac contient du matériel photo fragile. Elle s'excuse. On en reste là. J'espère que je ne vais rien découvrir de dramatique. Pas envie de vérifier maintenant. Redécollage à 8h. Un peu après en fait, à cause d'une histoire de bagages. Au pire je raterai mon train si on est en retard.
L'itinéraire de l'avion traverse à nouveau (comme l'an dernier) l'Iran du sud au nord (via Shiraz, Quom), puis s'oriente à l'ouest en longeant la frontière Turquie-Géorgie pour traverser le coin nord-est de la mer Noire. Mais pas de chance, une couverture nuageuse presque continue empêche de profiter du paysage après disons la première demi-heure spectaculaire. Ensuite il traversera un coin de l'Ukraine, le sud de la Pologne et la Tchécoslovaquie. Pas de chance, on passera à la quasi verticale de Prague, mais la ville est de l'autre coté de l'avion. J'aurais aimé une photo de Prague vue d'en haut. Le pont Charles. La ville qui fêta Mozart quand Vienne la bêcheuse le boudait. On nous sert un petit déjeuner et ma bonne humeur tourne un peu après trente bonnes minutes à attendre mon café. Je le fais savoir. Je termine à regrets L'Odyssée et je laisse ses héros s'installer dans mon souvenir. Dommage que les détails des itinéraires ne soient pas donnés, car une bonne partie des événements se déroulent autour de McMurdo et j'aurais bien aimé en suivre le détail. Mais le GPS n'existait pas à l'époque et une reconstitution à partir du texte me prendrait pas mal de temps je pense.
Le Boeing 777 d'Emirates est récent et équipé dernier cri, d'un écran de bonne résolution, de casques d'écoute de bonne qualité (le clavecin des sonates de Scarlatti sonne très honorablement ce matin), et d'une prise pour ordinateur, et même de prises USB et ethernet dont j'ignore l'utilité réelle. Le logiciel de visualisation de la trajectoire du vol est devenu 3D et offre au passager toutes les perspectives possibles de l'avion en vol et de la géographie environnante. J'en profite pour brancher le PC et faire avancer un peu mon histoire de skua et de manchot pour mes petits soleils de mouflets. Je vais essayer leur faire aimer un oiseau universellement détesté.
Finalement on arrive, atterrissage annoncé pour 12h30. Pile, on y est. Plus 15 minutes de taxiway, plus 15 de débarquement, plus 15 de contrôle d'identité, tous passeports confondus. Tout est interminable. Je hais Aéroports de Paris, le gestionnaire d'aéroport le plus calamiteux de la planète, donc je suis de mauvaise foi. Bref, j'émerge avec mes bagages, après un passage en sifflotant devant les douaniers, vers 13h15, dans les temps pour mon train à 13h52. Je cours à la gare TGV. Toutes les bornes sont évidemment occupées par des gens qui hésitent sur le meilleur horaire. Je bouscule un peu un jeune américain qui me laisse sa place courtoisement. Finalement, je suis sur le quai 10 minutes avant le départ du train, mais bizarrement, l'horaire de mon billet est différent de 2 minutes et ce n'est pas le même n° de train. J'interroge un employé sur le quai qui regarde mon billet et qui me dit "Votre billet est à partir de la gare de Lyon M'sieur, c'est dans 10 minutes, zavez pas le temps !".
Pas de problème pour Lyon-Voiron. J'appelle Magali pour lui donner l'heure d'arrivée, 17h53. Elle sera là. J'espère secrètement que mes loupiots y seront aussi. Plus rien à lire dans le train, ou enterré trop profond dans la valise. Pas le courage. Je m'affale sur mon siège et j'écoute Mozart (sonates, Gulda). L'erreur serait de dormir. Il faut résister. Je regarde patiemment défiler les arrêts, et un peu avant d'arriver, je m'endors. Le téléphone me réveille. Magali. Je regarde ma montre. On va arriver à Voiron. J'articule difficilement, "je me suis endormi, j'arrive." et je raccroche pour regrouper mes affaires. Je suis dans un vilain pâté. Toute la fatigue accumulée au cours du voyage m'est brutalement tombé dessus d'un seul bloc. Regroupement des sacs et valise, empilement devant la porte. Le train s'arrête, je sors mes bagages. Personne sur le quai. Bon. Je charge les sacs et je sors devant la gare. Personne. Pas de loupiots, pas de twingo, pas de Magali, ni de combi sur le parking. Je ne comprends pas. J'appelle Magali sur son portable.
Je m'arrache à ma couette vers 7h30 pour être au galley avant qu'ils ne ferment les distributeurs de jus de fruits vers 8h, jus de fruits dont j'ai grand besoin. Il ne fait pas très froid,(-3/-5deg) mais le temps est gris. Mauvais signe. Je regarde défiler les panneaux d'infos sur l'écran vidéo dans le hall d'accès à la cantine. La ligne LDB-CREAM est rouge et le statut est CNX (vol annulé). C'est la 7ème annulation. Demain c'est dimanche et ici aussi, jamais le dimanche. Rien avant lundi. Cela me laisse le temps de récupérer. Echange de messages avec Laurent à UMD. On fait un peu le point, positif.
Une minute plus tard je vois arriver Lance Grussman, jeune médecin de l'armée étasunienne, cordial, souriant à souhait, disert, et attentionné. Il me sort son français de collège, je le félicite, et nous sympathisons. Ouf ! Je lui raconte mon histoire. Il serait favorable à un traitement minimum. On convient que je le reverrai pour l'autorisation (clearance) à partir sur la glace lundi. Auscultation. Poumons clairs. Fièvre modérée, 37.7deg. J'ai quand même droit à la radio des poumons. Prélèvement nasal pour identifier le germe. Deux fois, il s'excuse poliment de me torturer et de me faire attendre. Je le rassure. Mais non mais non. Conclusion, analyse négative pour les virus influenza A et B. Donc dit-il, j'ai bien une infection virale mais pas due au virus de la grippe. Bon. Finalement pas de traitement. On attend que ça passe. Très bien.
Je peux aller faire ma lessive l'âme en paix avant de rassurer Magali. J'ai un gros ballot. En montant à la laverie du bâtiment à l'étage du dessus, j'aperçois le brise glace derrière Hut Point, qui revient chez nous. Banal désormais.
J'ai même oublié que nous étions samedi soir et que nous aurions pu boire une bouteille de vin. Je vais peut-être me faire une bière ce soir, histoire de renaître un peu.
Retour à la chambre. Temps gris. Il neigeote. Je plie mon linge et je fais mon lit.
Je vais aussi lâcher ce foutu journal qui me dévore. Et je vais me faire un film. Ce sera Kubrick, The Shining, que je n'ai jamais vu. Demain je continuerai à intégrer les photos.
Je m'accorde une bière en regardant le film. Très long. Quelques scènes inutiles à mon avis, un peu comme les ornementations musicales excessives qui nuisent parfois à la musique. Mais quel choc. La dernière partie est un monument éblouissant.
J'ai l'impression que la fièvre est tombée. Je me sens assez bien lorsque j'éteins pour dormir.
Hélas, je suis réveillé plus tard, littéralement noué par une crise de tremblements spasmodiques. Comme si j'avais très froid, alors que la fièvre n'est pas beaucoup remontée, et alors que j'ai la même tenue qu'hier. Quand la crise se calme, j'enfile une paire de grosses chaussettes de laine, un pantalon de survêtement par dessus le collant, et un sweater en laine polaire par dessus le maillot "thermolactyl" Raytheon + pyjama. Et j'essaie de redormir ainsi blindé thermiquement. Succès.
Le téléphone sonne à 8h30. C'est le service médical. Les radiologues de Denver ont examiné mes radios. Il y a peut-être une indication de début de pneumonie. Rendez-vous à 9h. J'ai le temps de passer péniblement sous la douche pour être présentable et d'attraper un jus d'orange en passant par le galley. Lance m'explique. Il y a une vague opacité au bas d'un poumon. Traitement semi préventif. Trois jours d'antibiotique (azythromycin, "Zpack !" dit Kim, "More powerful than penicillin, that's what I give to my patients". Elle me donnera un petit cours d'antibioticologie). Il me colle aussi du paracétamol.
Matinée au lit. Il fait beau. Message avec une délicieuse histoire pour grand-père de mes loupiots. Comme ils me manquent.
Brunch simplifié.
Après-midi au lit. Sieste, lecture, sieste, dans cet ordre.
Il ne fait plus beau.
Dîner. Potage, thé vert, jus de fruit. Bavardage amical avec Sasha. Les terminaisons diminutives en français et en Russe, avec l'espagnol pour référence.
19h30 Début de soirée sur mon lit. Résidus perceptibles de fièvre. 22h Je jette un coup d'oeil dehors à l'occasion d'une navette domestique, grand beau, ciel clair, le soleil est bas et la lumière magnifique. Je commence à avoir envie de sortir. Bon signe.
Extinction des feux vers 23h, après un chapitre d'Ourania.
J'ouvre un œil à 6h. Impression agréable. Quelques fumerolles résiduelles de fièvre, mais ça sent la convalescence à plein nez. Après un rapide aller-retour à la porte d'en face, je replonge sous la couette et je m'accorde un petit somme supplémentaire, disons une heure. Et je me réveille à 10h40. Je n'aurais jamais autant dormi qu'ici.
Je laisse au porte-manteau la parka grand froid qui ne me quittait pas depuis jeudi à chaque navette, et je traverse la place pour un rapide petit déjeuner où j'avale les pilules du jour. Je me sens renaître. Même si c'était prévu, c'est un moment agréable à vivre. Ma toux n'a plus ce coté incoercible, et même si mes expirations grésillent encore un peu, la vague douleur pulmonaire à l'inspiration s'est bien atténuée. Bref, ça-va-mieux !
En passant devant les terminaux vidéo du hall, j'examine avec appréhension le statut des vols à Willy Field:
Je commence aussi à voir une autre menace se profiler avec cette suite perverse, celle de devoir rester au-delà des dates prévues, et les vacances avec mes loupiots laminées. Pas encore une vraie inquiétude, mais déjà une préoccupation.
Quelques photos du Oden dans une belle lumière sur fond des montagnes de la chaîne Antarctique, dans la matinée.
Au déjeuner je retrouve Sasha, fort morose, de s'être une huitième fois préparé pour rien.
Kim est partie pour trois jours à South-Pôle. Elle a attrapé un problème comme le mien, dont j'ai peut-être été l'infortuné vecteur. Elle s'en plaignait déjà hier soir. Le virus Antarctica ?
Après-midi banale.
Au dîner Sasha évoque la possibilité d'un camp sur le site de CREAM comme une option qui permettrait de débloquer la situation, et d'utiliser les twin-otters moins sollicités, et se demande, sceptique, si je serai en état d'y participer dans les trois jours. Je réponds par l'affirmative et avec la vigueur de ma santé reconquise, ou disons, en cours de reconquête. Je dois revoir le médecin pour un contrôle.
Parties de ping-pong et de billard ensuite vers 20h30, au lounge du bat 2007 avec Sasha, une de chaque, avec une bière, puis nous rentrons. Nouvelle tentative de premier vol demain, 9h.
Activités habituelles du soir. Je me couche encore bien couvert, avec des réserves de fringues sur le lit, et je lis assez longtemps avant d'éteindre.
Réveil vers 5h, j'ai trempé mon pyjama et mon oreiller. Suite assez habituelle des grippes et autres calamités infectieuses. J'essaie de faire avec mais c'est trop inconfortable et finalement je dois me changer. Retour au sommeil ensuite jusque vers 8h30. Je pue l'antibiotique. La douche sous laquelle je me glisse est à peine tiède. Pas de regret de ne pas m'attarder...
La traversée de la place est une épreuve. Le froid est mordant, le vent est fort, féroce. La météo dit -12°C (-22 windchill), vent 20noeuds (~35kmh). C'est l'été Antarctique. Examen anxieux du terminal vidéo dans le hall du Galley: Vol de CREAM annulé. 9ème tentative au bouillon. Je peste à haute voix, en texan. Un ou deux regards de travers à coté de moi. Petit déjeuner léger.
en retour du terrain.
Les hélicos tournent en rapportant vers la base le matériel des dizaines de camps établis pour la saison sur les glaciers d'en face et dans les Dry Valleys. Jolie ronde. La fin de la saison commence.
Au déjeuner on rediscute l'option du camp sur place, et Sasha fait valoir que c'est difficilement praticable. Il faut au moins deux vols d'installation, et vu le temps qu'il nous aura fallu pour effectuer un premier vol, supérieur à deux semaines, on imagine le temps qu'il faudra pour venir nous récupérer. Raisonnablement impraticable.
Après-midi au Crary Lab. Gould égrène la féerie musicale des "Goldberg" sur le fastueux et panoramique silence des montagnes Antarctique. Trop de beauté ne tue pas la beauté. Celles là se renforcent, s'exaltent mutuellement.
Le temps n'a pas évolué depuis ce matin. Il fait un froid de Sibérie... un paradoxe pour l'Antarctique.
Dîner rapide. Puis billard et ping-pong avec Sasha et un oeil sur la glace au cas où des manchots viendraient prendre le frais dans le coin. Marco nous rejoint plus tard. Fin de partie à 22h. Sasha se lève à 5h30. Vol programmé à 9h à nouveau. Croisons les doigts. J'appelle Magali et je rentre à ma chambre.
Réveil vers 2h30, puis vers 4h45, chaque fois pour boire et toilettes. Je pisse enfin vino verde plutôt que thé trop infusé (lecteurs délicats passez votre chemin) c'est que ça roule pour ma santé récupérée. Longue veille ensuite, mise a à profit pour terminer le scénario du conte pour mes loupiots, enfin. Je tournais un peu en rond. Plus qu'à rédiger. Aujourd'hui. Quand j'interroge ma montre au réveil, il est 8h30, je traîne encore un peu sous la couette où il fait bon somnoler. Puis je me lève. Erreur de lecture, il est presque 10h. Qu'importe ! pas de regret. Je suis en forme.
Stavros (DS IN2P3) répond collectivement au message de Serge (Dir labo) qui l'avait informé du succès du vol de CREAM. "Félicitations ! à quand les résultats ?" dit-il. Je lui réponds (collectivement) "Quand on aura analysé les données. On te fera signe."
A midi les tacos ont l'air trop flasque et la salsa trop toxique. Je mange froid. Mauvaise pioche, les lentilles sont à la cannelle. Je jette l'éponge à la deuxième bouchée. Heureusement il y a une vague salade de pâtes et salami très salé, et des cookies, dont un à la cannelle, et des fruits orange+banane. On fera avec ça.
Bonne nuit complète. Le réveil sonne à 8h15. Grand beau, température clémente: -3° sans vent. Pourvu que ça dure. Je serre les dents devant le terminal vidéo. LDB CREAM on time, 9am. Il part, enfin. Passage chez le toubib au rv de 9h15. Bon pour le service. L'horizon s'éclaircit.
Crary lab avant et après déjeuner, messagerie, finalisation de mon conte pour loupiots. J'ai trouvé quelques illustrations. Envoi du résultat. Partie de photoshop pour les photos.
Enfin la vue non censurée par le mauvais temps sur toute la chaîne Antarctique en face, sur tout l'horizon. Magnifique, fastueux (photo, bientôt). Légère nébulosité néanmoins.
Le brise-glace semble occupé à agrandir le virage d'accès au port, il y passera la journée. Le L.H.Gianella a dû avoir du mal à négocier le virage hier. Dernière fournée de cartes postales. Journée radieuse. Pas un poil de vent tout le jour.
Je suis rentré depuis cinq minutes quand le téléphone sonne. C'est Sasha. Tout a roulé. Ils ont pu se poser et commencer à récupérer le matériel, CDM (module de commande nacelle et communications), antennes grand gain, ordinateur d'acquisition et disques de données (le trésor). Rendez vous demain matin à 6h50 au DJ pour le transport à Willy Field pour le second vol et le démontage de la manip.
Réveil vers 4h. Rendormissement difficile. Et je bondis en me réveillant parce que j'avais rêvé que mon réveil avait sonné et que je m'étais rendormi. Bref, habillage express. Passage à la cafet' pour une louche d'oeufs brouillés, une tranche de jambon, et une tasse de thé.
6h50 à la navette. Transport au LDB où nous vérifions le matériel. Puis à Willy Field (à 300-400m) pour l'embarquement. Le Bassler à un adorable coté rétro, aviation des années trente.
Long parcours au dessus des immenses glaciers et de la baie de Ross et de ses glaces fragmentées. Beauté renversante. Survol de la baie d'abord, et de la débâcle estivale. Quelques beaux icebergs genre plaque de cent mètres par 20-30m de haut, dérivent parmi la constellation des plaques plus petites de glace de mer fragmentée. La mer est d'un bleu profond, uni, un peu métallique. Elle est plate. Nous survolons l'immense langue de glace de Drygalski et ses onctueuses et spectaculaires ondulations, environ 300km au nord de McMurdo, puis l'avion s'oriente un peu plus à l'ouest, laissant une zone montagneuse très belle à droite. Une immense région plate suit ces reliefs, jusqu'au bout du voyage.
Arrivée sur le site vers midi, après 3h de vol. Contrairement à ce qu'avait anticipé Sasha, le paysages est totalement plat et pas du tout accidenté et l'avion nous amène à pied d'oeuvre, devant CREAM, sagement posée sur la grande plaine glacée.
Quelques mots sur Anne. Elle a participé à la première expédition féminine Antarctique à skis. Elles ont parcouru entre novembre 1993 et janvier 1994, 700 km à skis, jusqu'au pôle, en 67 jours pour "prouver qu'il n'est nul besoin d'être un gros costaud pour réaliser ce genre de performance" selon Anne. Elle mesure 1m55 à peu près. Depuis, elle vient à McMurdo toutes les saisons. Elle est affectée à diverses tâches domestiques au LDB et fait le parcours LDB-village à skis presque tous les soirs. Aujourd'hui elle s'est occupée de la préparation du matériel et de l'intendance. Toujours d'humeur égale et très attentionnée. Chouette fille.
A 16h on remballe après avoir enfourné dans l'avion tout ce qu'on a démonté. Les deux pilotes nous ont donné un sérieux coup de main. Il reste le SCD (plan de détecteurs silicium, fragile), le calorimètre, et tous les éléments (boitiers de contôle et alims puissance) de la palette, ainsi que la palette elle-même. Donc en gros, une journée équivalente à celle-ci.
Retour vers 21 h à ma chambre. Pas le temps de manger. J'avais une pomme qui traînait, et des barres de créréales. Douche. Messagerie. Journal. Dodo.
Nous repartons demain. 6h50 DJ.
Mauvaise, mauvaise, mauvaise nuit. Je mets longtemps à m'endormir. Je suis réveillé pendant la nuit par le syndrome ancien et bien connu (de moi) autant que redouté, de l'homme fatigué. Pendant le sommeil, cycles de contractions spasmodiques de l'estomac, hypersalivation et nausées à n'en plus finir. Panne digestive totale. Cela peut durer quelques minutes ou des heures, ou deux jours. Le toubib m'avait diagnostiqué une "parésie (paralysie) de l'estomac" due à la fatigue. Cela pouvait m'arriver aussi après une forte grippe par exemple. C'est comme ça que je suis resté au refuge Britannia au lieu d'aller au Rimpfischorn, il y a longtemps, et que j'ai fait les 1200m de dénivelé sur le glacier de Morterarsch (ok JB ?) dans le massif de la Bernina, entre la cabane Boval et le refuge Marinelli, avec le repas de la veille au soir en stand-by dans l'estomac, après une nuit bien difficile et pas de petit dej' histoire de me mettre à l'épreuve. Le lendemain JB se pétait la patte au col Marinelli - avec une méchante fracture en sifflet - et je dévalais le glacier jusqu'à la gare de Diavolezza pour appeler l'hélico. Bref, aujourd'hui le retour après 15 ans ou plus, d'un fantôme dévastateur que j'espérais bien ne plus jamais revoir, résultat probable de l'accumulation de la fatigue de l'attaque virale récente avec celle de la longue journée de recovery exténuante physiquement et nerveusement.
Nous reprenons la navette de 8h15 pour le village. Dave nous court derrière et nous demande de ranger notre bazar. Demain Dave.
Je me couche en arrivant et je dors deux heures.
Activités habituelles ensuite.
Bonne bonne nuit. Minuit-9h. Zut, je voulais aller au sommet de Observation Hill pour la photo du soleil dans le ciel à neuf heure, que j'avais oublié de faire l'an dernier (une toute les trois heures pour reconstituer ensuite la trajectoire de l'astre dans le ciel). En dix secondes la décision est prise. Après contrôle du ciel, je m'habille a minima et je file. A 9h30 je suis en haut. Un peu en retard. Pas trop grave. Un peu affamé aussi, mais c'est tolérable. Clic, clic et reclic, avec les deux appareils en deux modes pour être sûr. Les images ont l'air correctes. Je ne m'attarde pas. Dommage, un grand banc d'alto-cumulus voile un peu le soleil. Si j'ai l'occasion avant de partir, je referai la ballade. L'an dernier j'avais fait le point de 3h du matin le jour du lancement avant de partir au LDB à 4h (cf journal McMurdo 2007).
Redescente en vitesse pour une douche et un brunch express. Pas le temps de faire la queue pour mes oeufs au plat. Beuh. Je me contente d'une omelette au hash brown tristounette et sèche.
A 11h navette pour le LDB. Là nous trions les sacs de matériaux en vrac rapportés du site d'atterrissage vendredi, et nous récupérons tout ce qui est récupérable. Puis nous reclassons soigneusement les outils. Je repère bien la couleur des sacs pour n'avoir pas à tourner en rond pour trouver la bonne clé ou le bon tournevis comme l'autre jour. Ce mode de fonctionnement n'est vraiment pas bon. Je vais faire une proposition à la collaboration. On a une perte de temps de dix pour cent au moins à mon avis à cause de ce problème. Et dix pour cent, cela peut se traduire par un vol supplémentaire.
Ensuite, nous discutons le conditionnement des détecteurs, leur position et l'organisation des caisses d'expédition. Une fois cela fait, il nous reste à sauter dans la navette et à retourner au village. Mais pas de navette avant 15h30. Et il est 13h45. En attendant, Sasha emballe ses blocs de HPD dans du plastique bulle (il en prend soin comme si c'était des oeufs, Big Sister is watching him !). Matt soigne ses palettes de scintillateurs toutes ou presque cassées au niveau de l'interface du guide de lumière. Réparable. Et moi, après avoir écrit "Do not step" au feutre rouge sur le dessus de Chercam, pour le prochain crétin qui serait tenté d'y mettre le pied, je commence un autre conte pour mes loupiots. Je ne sais pas encore si le premier a connu un succès quelconque et j'attends le verdict du public avec appréhension.
Finalement après quelques péripéties dignes de Buster Keaton sur les horaires, nous avons une navette à l'heure dite. Dès que je suis à ma chambre je change d'équipement et à 16h je file faire le tour de la colline (Observation Hill) par le sentier balisé. Joli parcours d'où on domine le détroit de McMurdo. Le ciel est un peu couvert mais de temps à autre un rayon de soleil éclaire la chaîne de montagnes en face, d'une lumière comme on en voit qu'ici. Quelques phoques somnolent près de l'endroit où le sentier descend pratiquement jusqu'à la glace. L'idée m'effleure de m'approcher, mais c'est interdit, et la glace est fissurée en plusieurs endroits avec pas mal de mares de fonte plus ou moins gelées. Dangereux. Mauvaise idée, n'y pensons plus. Il ne fait pas froid, disons entre 0 et -2°. Je fais quelques photos le long du parcours. Le brise-glace au loin, laboure son chenal, méticuleusement. On aperçoit aussi, loin sur la banquise (~20km), Pegasus, l'aéroport des gros porteurs où l'on voit le C17, le premier de la saison, que j'ai vu atterrir en attendant la navette au LDB - effectivement annoncé pour aujourd'hui. De retour à ma chambre vers 17h30.
J'ai faim. Je vais manger un peu plus tôt. Sasha arrive à la fin de mon repas. Nous discutons longuement de choses diverses, problèmes digestifs associés à la fatigue, tempête de 99 et cyclones sur Cuba où il a vécu trois ans, enfant, avec ses parents, pilotage et parapente,... Je le laisse avec un copain à lui, Don, qui nous a rejoints.
Je travaille un peu la doc de démontage de CREAM avant d'éteindre. Je finis Ourania. 22h30.
Mon réveil sonne à 6h. Fin d'une nuit pas terrible, longuement interrompue (~2h ?). Je me gave au petit déjeuner en prévision de la journée sur le terrain. Navette de 6h50. Le ciel est largement dégagé. Il fait un peu froid (-5, -11 avec le vent). Sasha a appelé les pilotes, la météo préliminaire est favorable. Optimisme donc. Au LDB nous commençons à nous habiller. Le téléphone sonne. C'est moi qui décroche.
This is your captain speaking. Flight cancelled due to meteo conditions at destination. Et voilà ! une fois de plus. Tuant !
J'appelle Magali. Nos loupiots sont venus passer le dimanche à la maison. Pas de commentaire sur mon histoire de manchot et de phoque léopard. Aucun écho des intéressés. Bon. Un peu amer. Mon histoire les a barbés. C'est la vie.
Nous essayons en silence de faire avancer la préparation de la réexpédition. Emballage sous plastique bulle de tous les éléments fragiles du TCD (Timing Charge Detector, hodoscope de scintillateurs). Installation dans le conteneur des gros éléments mécaniques peu fragiles. La date limite de soumission des conteneurs à l'expédition a été heureusement reculée. Le bateau qui va boucler la saison n'est pas encore arrivé, donc pas de panique pour l'instant. Mais le risque grandit d'avoir terminé la récupération après que toute possibilité de réexpédition ait disparu.
Un moment, Anne entre dans le hall de montage en coup de vent. There's a monster Kelvin-Helmholtz train wave outside !. Nous courrons à l'extérieur. Malheureusement le phénomène est en cours de dispersion, mais effectivement les restes d'un banc de nuages posé au sol avec une belle structure oscillatoire sont encore bien visibles sur l'horizon de la banquise à l'est du LDB (photo).
Je commence le bouquin de Shackleton - l'odyssée de l'Endurance - pendant les quelques temps morts de la matinée. En attendant la navette de 11h15 pour le retour au village nous observons un joli système de nuages lenticulaires à trois étages. Jour de grand vent là-haut. Sasha parle de tempête pour les deux jours à venir. Gros gradient de pression dans le secteur. Je somnole un peu pendant le parcours.
Déjeuner léger pour compenser le gavage matinal, vers 12h30, potage de pois cassés, gâteau à la carotte, café. Conversation avec Sasha: AMS et les dernières nouvelles.
Je passe au Crary lab pour prendre les coordonnées d'un chouette bouquin découvert sur les étagères de la bibliothèque (riche en documents anciens), E.Wilson, membre des deux expéditions de Scott, où il fut chirurgien, zoologiste, et artiste dessinateur de l'équipe, Birds of the Antarctica, dessins et aquarelles des oiseaux d'Antarctique, édités par Brian Roberts, 1967. J'ai trouvé une réédition de 1980, peut-être disponible en neuf chez un vendeur anglais, et plusieurs exemplaires d'occasion de l'édition originale de 1967 pour 70 à 100$US chez divers bouquinistes sur la toile. J'hésite à commander et faire livrer une version soit chez Cris & Rainer dans le Maine, soit chez Laurence à Montréal.
Silence radio coté CSBF/LDB. Je jette un coup d'oeil sur la page intranet des vols programmés demain. Nous sommes prévus sur le Bassler à 9h. Dernière chance avant changement de date de mon billet de retour. Je prépare à nouveau mon sac, sans illusion.
Au dîner je demande à Kim si elles a des versions mp3 des ses symphonies de Mahler. Oui, elle a. Je lui passe une clé USB demain.
Fin de soirée vers 22h.
Nuit moyenne, interrompue. Mon réveil ne sonne pas à 6h. Mais je suis réveillé. Petit déjeuner léger. Mare de me gaver pour rien. Provision de café avec une thermos qu'Anne m'a confiée. Beau temps frais.
Navette de 6h50. Pendant le parcours le beep de Rich sonne. Il énonce la sentence: CREAM on, ANITA cancelled . Nous partons donc. Ce qui nous laisse une chance d'arriver. Le petit miracle de l'an dernier serait-il en train de se reproduire ? Les ANITAs grognent. On verra quand ils en seront à 12 annulations.
Préparatifs au LDB. Tenues grand froid. Embarquement du matériel dans le pick-up. Transport à Willy Field (400m). Il faut attendre le plein de kérosène du Bassler. Il y a un twin-otter en train de faire le sien. Au total presque une heure.
Anne nous fait un descriptif du fonctionnement des toilette individuelles. Chacun dispose d'une pee bottle (bouteille pipi, à grand goulot). Le traité Antarctique exige que chaque pays évacue du continent tous ses déchets, sans exception. Elle donne le mode d'emploi pour l'utiliser dans l'avion (cabine à l'arrière, genre isoloir). Sacs à crotte à disposition de chacun aussi.
Décollage à 9h40. Même équipage que vendredi.
Vol agréable. Belle vue sur la face nord de l'Erébus dans les premières minutes. Défilé des montagnes, de la glace de mer fragmentée, des immenses glaciers et de leurs nunataks (Il y a un nunatak Malinine, découvert par Sasha, selon lui). Nous faisons beaucoup de photos. Paysages fastueux, d'une stupéfiante beauté. Nous baignons dans l'azur d'une atmosphère d'une divine et cristalline luminosité.
Notre assistant de vol ( flight attendant ) est gentil tout plein. Il est tout jeune aussi, et obèse hélas. Il me propose un café et j'accepte avec enthousiasme. Et il m'apporte un café genre Starbuck, un plein gobelet d'un breuvage noir et amer, limite buvable. J'en consomme une partie et le reste va dans ma pee bottle, ce qui fera dire à Matt en fin d'après-midi lorsque je la photographierai avant de repartir, This doesn't look very healthy !... Evidemment je l'ai rassuré.
Arrivée sur place à 12h40.
eaux d'un bleu profond, céruléen, unique, coiffée d'un voile de petits
cumulus échevelés et translucides, dans une lumière de rêve.
Décollage tous terrains à 17h30. ça secoue. Vol retour un peu euphorique, et visuellement féerique. Longue série de photo des panoramas de montagnes et de glace de mer avant et après Drygalski. Comme c'est beau.
Ce jour et ce moment, uniques, font oublier toutes les déceptions antérieures. Je me suis installé à l'arrière de l'avion, accroupi devant les hublots, naviguant de babord à tribord. Mes vieux genoux s'ankylosent douloureusement, mais j'ignore leurs supplications. Je mettrai quelques photos en vrac dans le journal (201 aujourd'hui, merci à la photo digitale). Il faudra trier.
En fin de vol, nous sommes gratifiés du spectacle unique de l'Erebus et du Mont Terror émergeant de la mer de nuages avant que l'avion ne commence sa descente en s'immergeant doucement dans ses grosses volutes grise vers McM.
Le réveil sonne à 6h50. Je suis déjà levé, mon cothurne part en recovery pour ANITA. Courte nuit d'excellent sommeil. Le dos un peu cassé par les travaux de la veille. Les étirements quotidiens soulagent le problème. Petit dej de travailleur. Météo moyenne. 7h30 au DJ pour transport au LDB. Journée assez barbante de tri du matériel, d'emballage, et de mise en conteneur des détecteurs et des supports à réexpédier sur UMD (Univ. Maryland). Mais nous avons le coeur léger, même si Sasha me paraît bien sombre et réservé.
Plus de téléphone dans le hall de montage. Ah les rats ! Dave me sort une explication alambiquée en se tordant les doigts. Ils auraient pu attendre qu'on parte.
Le galley est fermé.
Aller-retour au village pour le déjeuner. Retour vers 18h. Dîner un peu morose avec Sasha. Il a un télécon avec Moo-Hyun à 7h demain matin sur la préparation de l'expédition du matériel. Il voulait que j'y sois. Je m'interroge sur l'utilité de ce contact direct et je ne vois pas bien ce qu'il y a à discuter. Il m'appellera s'il a besoin de moi.
Soirée tranquille. Le compte à rebours du départ est lancé.
Je suis un peu amer à la pensée de quitter McMurdo sans avoir vu un manchot cette année, ni une baleine, et des phoques de loin seulement.
J'aurais bien aimé avoir un ou deux jours de libres avant de partir. Dommage. Mais je pars sans regret quand même.
Quelques pages fascinantes de l'incroyable aventure de Sir Ernest Shackleton avant d'éteindre vers 23h.
Réveil vers 6h30 après une autre bonne nuit. Le ciel est couvert en traversant la place (DJ). Il ne fait pas trop froid. Je retrouve Sasha et Matt au galley. Pas de liaison internet dans le bâtiment. Sasha doit aller au Crary Lab pour le telecon avec UMD, où il apparaîtra qu'ils voulaient savoir comment ça se passait. Ils se foutent vraiment de la gueule de leurs collaborateurs à UMD. J'aurais aimé être au téléphone. Sasha ne sera pas là à 7h30 pour le transport au LDB. Alex démarre malgré nos objections. Tête de lard, pour être poli. Sasha nous rejoindra une heure plus tard.
Journée passée à terminer le conditionnement des éléments de CREAM et à remplir les conteneurs et à sécuriser les volumes.
Vers 14h après la pesée des trois conteneurs au pont roulant, nous en avons fini et nous retournons au village avec la première navette.
Il fait un temps radieux. L'Erebus est en majesté dans un ciel somptueux, d'un bleu unique, surmonté de quelques petits lenticules nuageux, et coiffé de son panache de fumée volcanique, dans son précieux écrin de divine lumière céruléenne. Merci à sa beauté majestueuse. Je le quitte avec regret, et je ne le reverrai sans doute jamais. Mais l'image de cette merveilleuse trinité (Mt Erébus, Mt Terra Nova, Mt Terror) baignée de miraculeux reflets d'aigue-marine, est gravée en moi pour toujours, inaltérable. Je les salue une dernière fois.
Je prépare mes sacs ensuite. Le message de MCM-travel est toujours aussi menaçant sur le respect strict des règles du transport, un seul bagage à main, volume, poids maximum, etc...
Dîner avec Matt, puis Sasha, puis une copine de Matt. Passage à la boutique pour une fournée de peluches, bonnets, T-shirts, pour la famille, tandis que Sasha hésite à acheter une doudounette (sans manche) en duvet comme la mienne. Puis bouclage des sacs. Comme je sors du bâtiment avec mes deux gros sacs et mon sac à dos pour aller au bag-drag (enregistrement), un van du service taxi-navettes passe devant l'entrée, la conductrice me voit et comprend, et me fait signe de monter. Trois cents mètres de moins à ahaner en bon bourricot polaire avec mon chargement. Merci à la chance qui l'a mise sur mon chemin et à elle pour sa bienveillance.
Au bag-drag je me fais renvoyer à ma chambre pour revenir avec mes EC boots que j'avais négligé d'apporter. Ça m'apprendra à appliquer le règlement. Pesée des bagages et du bonhomme avec son barda perso. Bon pour le redéploiement. L'heure d'embarquement sera affichée sur l'intranet demain matin. Ce sera vers midi. Rompez !
Retour à ma chambre vers 23h15. Immersion impatiente dans la fascinante Odyssée de l'Endurance pour un bon moment avant d'éteindre, vers minuit.
Réveil vers 6h45. Je paresse un peu au lit. Puis coup d'oeil sur le statut du vol. Rien encore. Petit dej après un peu d'eau sur le museau. Il fait grand beau. Assez froid. Ce temps va me faire regretter de partir. Le comptoir du service à la personne est ouvert. J'ai le temps. Je me commande deux oeufs au plat, complétés par des toasts, jus d'orange, thé, et fruits au sirop nappés de fromage blanc (testé pour vérifier qu'il provenait de vrai lait, c'était le cas cette fois).
Kim passe pendant que je mange. Elle me propose de passer récupérer du Mahler à son bureau avant de partir, et je lui propose de lui passer mes photos. Douche en vitesse. J'ai mis ma serviette dans les bagages, trop grosse pour la garder avec moi. Ma taie d'oreiller en tiendra lieu.
Ensuite je passe au bureau de Kim. Je croise Lance le toubib, dans le couloir. Salut cordial. Kim transfère la 3ème et la 9ème de Mahler par Bruno Walter sur ma clé USB, et récupère mes photos. Elle est ravie que je lui claque trois bises à la française, et je file faire un tour à Hut Point après avoir noté l'heure du transport à Pegasus: 12h15. Pas un manchot, pas un phoque, juste un skua qui vient se poser devant moi, l'oeil à la fois pétillant et rapace, en quête d'une bonne affaire (mettez vous à sa place, il est sédentaire). Dernières photos de glace. Je me fais quelques autoportraits souvenirs. Je prends le sentier qui monte le long de l'arête. En cheminant j'examine les flaques de fontes dans les creux du relief. Surprise, sous la surface gelée on distingue très bien des petits groupes d'algues vertes. Un peu plus loin, le fond d'une flaque de 3-4 m2 est tapissé de vert dans sa totalité . C'est la première fois que j'observe une trace de vie végétale (aquatique) ici.
Même si je savais qu'on y trouve des algues, et aussi des mousses et des lichens, cette petite découverte me ravit.
Enfin à l'hôtel vers 23h. J'ai faim. Je ressors immédiatement pour une bière et un fish & chips chez Baileis. Puis je rentre refaire mes bagages. Tel à Magali, inquiète comme d'habitude. Il est tard. Je lis encore jusqu'à m'effondrer sur la page en cours vers 1h30.
Réveil assez pâteux un peu avant 7h. Bof, je dormirai dans l'avion ce soir. Douche bienfaisante. Revue du paquetage. J'aurai deux bagages enregistrés, dont un sac à dos bourré de fringues.
Dernières courses prévues ce matin, peluches pour mes loupiots, et le temps de me laisser vivre un peu, enfin, au fil des rues, et des sentiers du jardin botanique ? nous verrons.
Le petit déjeuner d'abord, bien complet. Puis tour au centre ville. Il fait chaud (25-27° ?) et je suis habillé pour aller à Paris. Pas envie de changer de tenue avant de partir. Je trouve facilement les peluches pour A&E. J'achète aussi un pull en laine de mérinos pour moi, que je ne mettrai peut-être jamais. Puis retour à l'hôtel. Connexion internet pour la messagerie. "Bon voyage !" de Laurent. Et une vraie mauvaise nouvelle. L'atelier d'artiste de Seg à Genève a été incendié accidentellement, apparemment par un type qui montrait à son fils comment détruire les toiles d'araignées avec un chalumeau. ça ne s'invente pas. Dévastation de ses sculptures évidemment. Noire poisse. Que dire à l'artiste accablée qui ne soit pas d'une affreuse banalité ?.
Je termine le bouclage des bagages, la grosse valise-sac, bien lourde, le sac à dos bourré de fringues avec godasses sous le rabat, le fourre-tout photo-sac-à-dos, le sac de l'ordinateur, un sac de secours léger appelé au secours, acheté chez REI à College-Park dans lequel je fourre les fringues chaudes. Je règle la note et je réserve une navette aéroport pour 15h30. Je laisse mes bagages à l'hôtel, et je sors me balader les mains dans les poches. La tendance naturelle m'entraîne vers les librairies du coin où je furette dans les étagères de livres nature et ornitho. Acheter un guide des piafs NZ n'aurait pas grand sens et ajouterait du poids. Déambulation heureuse dans les rues ensoleillées du samedi matin néo-zélandais. Pas mal de touristes. Devinez d'où ? Boutique de soldes de vêtements de sport North-Face. Prix imbattables. Mon pantalon de ski/rando a plus de 15 ans et il est bien élimé. J'en trouve un chouette pour trente euros (j'avais payé le mien 900F). Made in ? Jordanie je crois. Les bédouins sont-ils aussi mal payés que les chinois. Toujours la longue chaîne de la dépendance économique...
Ensuite je vais traîner du coté de Art Center et des boutiques d'artisanat Maori. Il faut que je relise Les Immémoriaux (V. Ségalen). J'ai presque tout oublié. Je trouve de mignons pendentifs en Malachite, os de baleine, ... pour Magali, Laurence et Elise, tous chargés de symboles. Achetés à une jeune vendeuse, plantureuse maori avec qui je sympathise, et à un vendeur Maori aussi, couvert de tatouages des pieds à la tête, qui me donne une notice sur la symbolique des graphismes maoris.
Il est 14h. Content de mes emplettes je vais me faire une bière et une sea-food chowder (potage pour marin très actif) dans un pub irlandais qui passe de la chouette musique traditionnelle et des chansons de marins. Un potage nourrissant est ce qu'il me faut pour faire le joint entre le petit dej' et le service en vol. Il m'est apporté dans une assiette gargantuesque bien pleine, dans laquelle baigne une grosse miche de pain évidée et remplie elle aussi jusqu'au bord de chowder. Et la bière Speighs ambrée qui accompagne le plat est plutôt bien. Bref, le gros en-cas est un repas et je me régale. Et les serveurs sont plus qu'attentionnés.
Après ce moment de plaisir, je remets le cap sur l'hôtel où je récupère mes bagages. La navette est à l'heure et je suis rapidement dans la file d'attente d'Emirates pour l'enregistrement sur mon vol. Et quand j'arrive au comptoir d'enregistrement c'est la grosse mauvaise surprise. Je colle la valise et le sac sur le tapis des bagages, et la préposée m'annonce l'air un peu embarrassée que je suis en excédent de poids de 9kg. Je lui fais part de mon étonnement. Je n'ai pas eu ce problème à l'aller avec les mêmes bagages. Ce ne sont pas trois peluches et quatre T-shirts, (le pantalon de ski est dans le bagage à main) qui peuvent peser 9kg. Je pensais que la limite était à 40kg. Elle est à 20. Et je suis sûr qu'à l'aller j'avais plus de 20kg, plutôt 30, comme aujourd'hui. La limite USAP est de 39kg. Bref mes grognements n'impressionnent pas la dame et la seconde mauvaise surprise c'est que la note pour 9kg d'excédent est de 800$NZ, vous avez bien lu, soit 320Euros. Je n'ai pas le choix. Je ne comprends pas comment au 4ème voyage dans les mêmes conditions, je peux me retrouver avec un tel excédent, sans qu'il soit apparu avant.
Bref, on ne va pas en faire une maladie. C'est dommage pour le budget de Laurent. Une fois ce problème réglé je vais payer ma taxe d'embarquement (25$NZ) puis boire un café en attendant de passer les contrôles de bagages et d'identité. Attente longuette ensuite, mais je trouve une prise en salle d'embarquement pour écrire un peu. SMS à Magali.
Suit la séquence habituelle des étapes de voyages, qui s'enchaînent sans incident. Salut à la plaine côtière de l'île Sud en décollant. Beau panorama à nouveau en survolant les Alpes Néo-Zélandaises. Puis longue traversée de l'océan vers Sydney (3h15 de vol). Je sympathise avec mon voisin, un anglais des Cornouailles qui revient de découvrir sa petite fille en NZ. Pépés au diapason. On parle aussi de Penzance que nous appréciâmes si fort. Il n'est pas familier de la jungle des aéroports. Je le piloterai un peu. On nous sert un dîner. Bienvenu, j'ai faim. Je me gave ensuite sans retenue des pages de la fantastique histoire de l'équipage de l'Endurance. Je retrouve avec bonheur la boulimie frénétique de lecture qui dévorait mes douze-treize ans (Ah la collection Rouge et Or, que ma mère avait en haute estime et moi en adoration, toujours dans la bibliothèque de la maison où elle attend mes loupiots, sans grand succès jusque là, hélas). Débarquement, contrôles, salle d'embarquement, rembarquement. Il y a de ravissants T-shirts avec de magnifiques motifs aborigènes en vente à la boutique. J'en sélectionne trois, mais la vendeuse n'est pas là, et mon vol est appelé pour l'embarquement. Je lâche mes jolis souvenirs à regret. En fait nous attendrons encore 20 bonnes minutes avant d'embarquer et j'aurais eu tout le temps de terminer ma transaction. Grrr.
Tour à la boutique hors taxe. Je prends une bouteille de Macallan, et je vais découvrir le CAOL ILA (Islay), nettement plus cher. Je salive, c'est pour ce soir.
Mon voisin que je croyais étranger est français, d'origine mauricienne, d'où la confusion. Il revient de Maurice, visite familiale. Informaticien spécialisé internet, il écrit des musiques des films et aimerait en faire son métier.
Vers onze heures on mange encore. ça tombe bien j'ai faim. Mais on nous sert à boire avant. Je prends du vin blanc. Là l'hôtesse me demande ce que je prendrai comme boisson pour le déjeuner. Quand ils ne sont pas une demi-heure en retard, ils sont une demi-heure en avance. Je réalise donc que c'est l'apéro. Et je me fais un petit Ballantines réjouissant en bavardant à bâtons rompus avec mon voisin. Le déjeuner est bien, le poisson est de la morue je pense, que j'adore. Avec le chardonnay (moyen) australien, l'accord est plaisant.
Merci Chantal (qui gère les billets de voyages au labo). Qu'à cela ne tienne. Pas le temps de rien faire. Je saute dans le train quand il arrive. Et sur le contrôleur, une contrôleuse en fait, quand elle passe. Indulgence magnanime de l'agent(e). Cela coûte quand même encore une réservation à 20 euros au budget de Laurent. Je n'irai plus en Antarctique, c'est dit !
Les sièges de première sont d'un incomparable confort. Mieux que ceux d'Emirates. Je savoure la fin du voyage, ça sent l'écurie. 31 heures que je suis parti. Et 3-4 heures au jus en gros. Bien moins fatigué que l'an dernier où j'ai bien cru mourir de fatigue. Je devrai prendre le Lyon-Voiron suivant (45 minutes). Prise électrique dans le TGV. Merci la SNCF. Je mets ma petite machine en route et je martyrise mon clavier en écoutant les toccatas & inventions (Gould) pour la millième fois. Et toujours avec le même bonheur. La fraîcheur de la source qui émerge au milieu de la prairie et dont on ne se lasse pas de contempler le jaillissement joyeux et turbulent, toujours le même et toujours différent. Je me sens bien. J'écris pour mes loupiots.
- Il n'y avait pas de train à 17h53, celui de 17h45 était passé, alors je suis repartie (erreur de terminal horaire, confusion arrivées/départs)
- Mais je suis devant la gare !
- Mais il n'y a pas de train !
- Viens me chercher s'il te plait !
Je n'arrive pas à comprendre. Un quart d'heure supplémentaire à me geler. Je suis trop fatigué pour ne pas laisser déborder mon humeur. Triste point final au voyage.
Je retrouve la maison. Méditation morose dans un bain qui apaise un peu mon malaise, suivi d'un court dîner, pour finalement retrouver mon lit frais et douillet à la fois, sous une jolie couette satinée, préparé par Magali.
Fin de l'histoire.
Notes diverses
Durée du voyage - Dans le référentiel français, on part à 3h30 du matin de l'hôtel (décollage 6h45) et on arrive à Voiron à 17h53 le lendemain, soit environ 35 heures de voyage si on compte à partir du décollage, et 38h30 porte à porte.
Les décalages horaires : Dubaï = France + 3h, Sydney = France + 10h, Christchurch = McMurdo = France + 12h