Séjour au Parc national de Waza (Cameroun), 6-20 mars 2006
Journal de Waza
Train pour Paris le vendredi. Dîner chez Elise et Emmanuel le soir, avec Anne-Marie.
Samedi 4 mars
Dernières courses au vieux Campeur le samedi après-midi, avec Magali. Restau le samedi soir. Pas terrible, les corses font la gueule. Ils font ça bien.
Dimanche 5 mars
Vol Paris-Douala. Mon premier survol de l’Afrique à travers le Sahara et le Sahel (cf lettre à Arno). Fascinant.
Arrivés à Douala, dans la salle des bagages je suis abordé par un homme d’une petite cinquantaine d’années, qui me dit "Planète ?". Je réponds "Oui, vous êtes Michel ?", "Oui". Il attend avec moi près du carroussel à bagages et commence à me proposer de donner un peu d’argent pour passer les contrôles de sortie plus vite, ce que je trouve inattendu de la part du correspondant de Planète-Urgence. Il me demande aussi mon ticket de bagages, que je ne lui confie pas en prétextant que je ne sais pas où il est. Finalement il disparaît et la supercherie est révélée lorsqu’il apparaît que le vrai Michel nous attend dehors avec Michel Bousquet, volontaire dont c’est la seconde mission à Waza, ce qui me vaut de me faire traiter de pigeon par Ségolène que je découvre. Avis donc aux futurs volontaires. J’ai fait une photo-portrait de Michel pour intégration dans la fiche documentaire de Waza et prémunir les victimes potentielles contre l'escroquerie. Une volontaire d'une mission suivante s'est fait voler 130Euros qu'un type proposait d'aller changer pour elle... Emouvante naïveté.
Taxi jusqu’à l’hôtel de la Cote. Chaleur humide. Douche. Tout le monde se retrouve ensuite au bar de l’hôtel pour une bière opulente (0.65 l, réjouissante abondance, qui sera un des plaisirs quotidiens du séjour), puis le dîner.
Lundi 6 mars
Jour de vol sur Garoua et et de route vers Waza.
Lever matinal. Premier margouïa dans la cour de l’hôtel. J’ai sorti les jumelles et commencé à observer les oiseaux locaux. Maigre butin : moineau africain et un piaf non identifié. Taxi vers l’aéroport vers 7h (le chauffeur s’est fait attendre). Ambiance agréable de début de séjour, et de découverte du pays: un couple de busards des roseaux tourne autour des pistes, comme chez nous. Discussion de touristes rapiats sur le prix d’un café.
Décollage un peu en retard. Plein de place dans l’avion. Chacun son hublot. Cap au Nord. Beau spectacle du Cameroun vu d’avion et des régions de collines ou de montagnes de basse altitude.
A l’arrivée à Garoua, Linus Ambassa nous attend. Récupération rapide (à l’échelle de temps locale) des bagages, puis tout le monde embarque dans le minibus. Il a fallu mettre les valises sur le toit. Gare à l’ébullition des eaux de toilettes, crèmes et autres onguents.
Arrêt banque pour le change, qui dure presque une heure. Découverte de la rue et de ses passants. Premières photos.
Il est tard, presque 13h. Déjeuner dans un restaurant à la sortie de Garoua. Puis route vers Maroua. Découverte des paysages africains, des villages et de leurs habitants, au fil de la route. Route en très mauvais état par endroits. Les nids de poules sont des baignoires, contournées laborieusement, au pas, par un chauffeur heureusement vigilant, signalées parfois par des pierres ou des branchages. Somnolence générale. Je dois me réfugier contre la paroi pour échapper au genou de ma voisine. Crampes. Ennuis répressifs à venir.
Arrêt à Maroua. Première rencontre avec Adam Saleh, le conservateur du parc. Jeune, affable et souriant.
Poursuite du voyage. Le jour baisse, le paysage dans le crépuscule est d’une grande beauté (photos). Lorsque nous arrivons à Waza il fait nuit, vers 19h30. Constitution des binômes et répartition rapide dans les boukarous : Laetitia propose à Caro de faire chambre commune. Je propose à l’autre Michel que nous en partagions une autre. Il ne reste pas de choix au jeune binôme mixte de Jean-Hugues et Ségolène, qui s’accommode avec enthousiasme de cette coercition.
Dîner. Nous découvrons la joviale et plantureuse Jeanne en son restaurant, et sa chouette cuisine africaine. La salle du restaurant est d’un confort très minimaliste, sommaire. En prime, la télévision y règne sans partage, après Jeanne. Mais l’ambiance est plutôt agréable. Retour au camp vers 20h30.
Mardi 7 mars
Journée d’initiation. Réveil matinal (6h) et première exploration du sommet du dôme. Vue superbe sur la savane qui s’étend à l’infini. J’y reviendrai passer quelques heures en début de nuit dans les jours à venir. Grandes turbulences dans les arbres du camp où s’activent les passereaux locaux. Je découvre avec bonheur les plus communs (waxbills à bec rouge, becs d’argent). Les hirondelles des fenêtres se groupent sur les fils, en partance pour l’Europe ? Amusante symétrie. Ballade autour du camp. Les becs d’argent sont de grands amoureux. Toujours en couple à babiller ou à se bécoter. Attendrissant.
Après le petit déjeuner, et un bout de digestion patiente, Linus arrive et nous montre l’utilisation de la boussole. Ma dernière utilisation était dans le brouillard du massif du St-Gothard pour ne pas manquer le refuge, il y a une douzaine d’années avec JB et coll. Nous découvrons l’univers local, et nous nous découvrons mutuellement. Chacun prend ses repères.
Ensuite, passage à l’accueil du parc où nous sommes présentés à nos guide. Tous superbes et incroyablement sympathiques, ils ont nom Abba, Ar, Boukar, Alhadji, Haman, Hamidou, Manga, Saïd, etc... Puis déplacement en véhicule pour un exercice sur le terrain. Première visite d’une mare, découverte du paysage, de l’abondance de la faune, premiers émerveillements. Exercice réussi. Bons pour le service.
Retour au camp, premier déjeuner sur la très agréable terrasse du restaurant. Première discussion collective.
Ségolène, jeune (33) et plutôt jolie, se met rapidement en scène. Fort extravertie, et joliment fantasque et provocatrice (pas provocante) avec des propos volontiers abrupts sur ses goûts amoureux. Intéressante. Un coté lumineux qui annonce l’artiste. Se défend (se défie ?) de la tendresse amoureuse. Collectionneuse. Mon coté grand-père fou de son petit-fils la séduit. Elle aimerait être ma petite fille, dit-elle. Moi je la vois plutôt comme une femme, avec une stratégie consciente ou pas, de la séduction (de son public), sa voix et son allure de très jeune fille aidant. Elle est folle d’éléphants et ne supporte pas l’idée d’une limitation de la population par abattage. Aversion que l’autre Michel provoquera volontiers par taquinerie, mais aussi avec des vrais arguments.
Silence un peu pincé, regard un peu grinçant, des autres filles sous l’éclipse de ce pétillant rayonnement.
Caroline, dans sa quarantaine, est bien plus réservée. Elle a le propos volontiers péremptoire et autoritaire. Elle a beaucoup voyagé, et semble un peu dériver dans ce loisir de riche oisive. La suite montrera qu’elle peut-être assez grincheuse. Sans doute pas très heureuse. Laetitia, grosse trentaine, est aussi sur la réserve, gentiment conviviale. Elle peut être franchement joyeuse - aidée par un verre de bière - mais aussi fort agressive à l’occasion.
Jean-Luc, 27 ans, le benjamin du groupe. Centralien, et seul volontaire financé par son entreprise. Il travaille pour une banque. Taupin mal guéri de sa taupe. Il en a gardé le comportement archétypique. Assez dérisoire. Parfois franchement exaspérant. Il a tout acheté pour se protéger des multiples calamités entomologiques de la dangereuse Afrique. Au moindre hanneton, scarabée, moustique, ou autre insecte volant qui l’approche, il bondit de sa chaise et se lance dans une pantomine burlesque pour écarter la menace, quand un simple revers de main suffirait à écarter l’importun. Hilarité des autres.
Michel Bousquet, entretient une image d’homme blasé, familier de l’Afrique, qu’il est réellement. Il y a passé vingt ans, comme lieutenant de louveterie, puis comme administrateur (colonial ?). Manifestement prospère, il fait des affaires à l’interface entre les ONG, les gouvernements des pays d’Afrique, et les instances de financement internationales, et probablement d’autres affaires. Plutôt agréable malgré un comportement un peu, disons colonial, parfois. Ses conseils sont utiles et sa connaissance du pays est réelle.
Moi c’était Michel-aux-oiseaux, ainsi baptisé par Ségolène plus tard, à cause de mon penchant ornithophile. Joli surnom.
Après le déjeuner, repos et installation, et petite escapade vers les oiseaux locaux. Le système de distribution d’eau est aérien. Il y a quelques fuites qui sont autant d’abreuvoirs pour eux. Il y a foule bien sûr. Faites la queue. Jolies scènes de passereaux volant sur place sous la conduite pour s’abreuver au goutte à goutte (photo). Fuites inestimables. Chuuuut, surtout n’y touchez pas !
Départ à 16h pour le premier suivi écologique. Tous sur la plate-forme arrière du 4x4. Superbe impression. Nous apprenons à voir et à compter, les mâles, les femelles, les jeunes, les subadultes, sous l’œil vigilant de notre guide.
Première fin de journée à Waza. Un peu nonchalante. Prêts pour la première vraie journée de terrain.
Mercredi 8 mars
Première vraie journée de terrain. Lever à 5h, j’étais réveillé depuis 4h. Petit dej’ correct : Thé ou café, baguette, pain, beurre, confiture. On se croirait au bistro du coin. Démarrage à 6h. Nos guides ont fière allure et le sourire aux lèvres, qui avec son cheich, qui avec sa cheichia, et tous avec leur fusil. Les pétoires datent d’avant la guerre de 39-45 car le MAS39-45 que j’ai manipulé pendant mes classes (1969 !) était plus moderne. Mais les munitions sont convaincantes.
Je suis largué le premier sur mon transect avec Manga mon guide. Je me sens comme Christophe Colomb à la proue de la Santa Maria. Azimuth 90°. Brume. On ne voit pas encore le soleil qui servira de boussole plus tard sur le parcours. La longue marche dure trois heures. Beaucoup d’herbe à éléphant de deux mètres de hauteur, et plus. Progression fascinante. Quelques antilopes nous regardent passer, vaguement inquiètes, que nous notons soigneusement. La boussole est d’accord avec la base sur l’horizon de la trajectoire solaire. Rassurant.
Mais Manga s’obstine à me dire qu’il faut aller plus à gauche, ce qui m’inquiète un peu. Il savait en fait, je l ‘apprendrai plus tard, que nous devions arriver à une mare, et il savait où était cette mare et quelle direction il fallait prendre pour y parvenir. Il est guide depuis 40 ans dans ce parc et n’a pas besoin de boussole. Mais ma boussole s’obstinait à le démentir. Finalement nous sommes arrivés, pas du tout où c’était prévu, ce qui m’a valu les railleries de ce taupin niaiseux de Jean-Hugues. Mais Ségolène a eu le même problème que moi. Finalement il est apparu que l’erreur venait du conservateur qui nous a fait partir trop loin sur la piste et manquer la mare, et pire, nous retrouver parallèles à la piste que nous devions intercepter qui s’était orientée à l’ouest, et ne la croiser finalement que trois km plus loin. A l'aveu du conservateur, Ségolène me saute au cou - j'ai connu pires moments - et elle offre ensuite un joli bras d'honneur à Jean-Hugues et à sa morgue.
Abondance de commentaires le soir au dîner évidemment. Début un peu épique, mais intéressant.
Jeudi 9 mars
Transect court 6h50-8h30.Arrivée à la nationale sur le bitume. Berk ! Observation d’un troupe de 22 antilopes hippotragues. Beaucoup d’oiseaux intéressants sur le chemin. Grand vautour africain (lappet faced), guêpiers carmins, colonie d’une vingtaine de petits faucons (scissor tailed swallow kites), ravissants.
Autres espèces observées : civettes, chats sauvages, mangoustes, chacals.
Suivi écolo du soir. Découverte du Coucal du Sénégal à la mare de Mourgouma. Outarde à ventre noire (black bellied). Toucan noir.
Nous apercevons sur la piste deux silhouettes qui disparaissent promptement dans les hautes herbes, et que Linus essaie de retrouver sans succès. Nous n’avons pas sauté du camion assez vite quand il nous l’a demandé. Braconniers. Récupération d’un vélo bizarrement harnaché. Et d’un casier en plastique dans laquelle on trouve les restes d’un chat sauvage et d’une gazelle de Thompson. Le tout est embarqué sur le camion et nous rentrons.
Douche rapide avant le dîner. Il m’apparaît que Michel me laisse avec une petite ostentation, toujours ouvrir et fermer la porte, et gérer de la clef du boukarou. Chance pour lui, je suis sur mon pied d’indulgence.
Soirée standard. Après dîner, film de National Geographic sur les éléphants. Michel en apporté une série. Je n’en verrai pas d’autre (disponibles à la FNAC). Je préfèrerai la méditation sous le ciel d’Afrique, au sommet du dôme. Je commence l’écriture d’une longue lettre à Arno, avec mes notes du voyage aller. Comme il me manquent, mes loupiots. J’éteins tard. Michel dort.
Vendredi 10 mars
Reveillé tôt, rendormi jusqu’à 5h15 et réveillé enfin par le réveil de Michel.
Encore du brouillard sec.
Nous observons près de la route en partant un renard des sables (par déduction, car seul de ce genre présent dans la région d’après mon guide) entrant dans un terrier un serpent dans la gueule.
Transect très pénible à cause de la poussière déposée par le brouillard sur la végétation, qui s’envole à chaque pas, en laissant pour les grandes herbes une traînée verticale visible qui suit le profil de la plante et qui se dissipe ensuite, en pleine poire du marcheur. Par moment irrespirable. Eprouvant. Fin de parcours très bien venue.
Alphabétisation : Manga apprend à lire avec une application attendrissante. Je lui ai montré comment on construit un mot à partir des lettres et des sons (méthode syllabique intuitive). Il semble comprendre assez bien.
Après-midi:
Grand busard africain sur une mare, cobs de Buffon (3+2), girafes, (photo de), rollier d'Abyssinie, outarde comme celle d’hier ( ?),
outarde à tête noire ( ?, mais pas présente au N-C), plein de guêpiers carmins, comme hier, groupe de damalisques (14),
passereau bandeau noir sur l’œil, miroir blanc sur croupion très visible, bec type pie-grièche petit ? 1 Traquet moteux (ancien nom), petites alouettes au sol, ~200 pelotes au pied d’un arbre mort (rapporté un exemplaire), pipit des arbres ( ??)
Samedi 11 mars
Nuit calme et fraîche. Réveillé à 4h30. Tripe tourmentée et douloureuse. Lever à 5h15 comme d’hab’. Sachet d’anti-mal-aux-tripes. Premier au petit dej’. Rien de prêt. Grogne.
Départ 6h5. Brouillard moins dense qu’hier.
Un lion vu par Laetitia et identifié par les guides dans le pick-up derrière nous. Les véhicules sortent de la piste dans la direction, mais trace perdue. Retour sur l’itinéraire normal.
Bricolé un masque anti-poussière hier soir avec un mini-sandow et un slip. l’élastique arrière passe sur le nez. Attaché derrière la tête par les cotés avec le mini sandow. Efficace.
3ème transect. Pas un chat. Alors que les transects voisins sont riches, voire exceptionnels. Grrr, beuh. Veinardes.
Vu néanmoins:
- Un joli passereau type mésange bleue et identifié (+ tard) comme un Blue waxbill (mais pas présent au Cameroun) ou un red-cheeked cordon bleu (mais pas vu la tâche rouge observée plus tard sur un individu, immanquable, et vu ventre tout bleu).
- Un passereau type bruant identifié comme black-crowned sparrowlark (mais vu ventre et tête brun sombre et pas noir).
Fin du transect à 8h45.
Une patrouille de gardes, chasseurs de braconniers, passe et nous salue. Il y a 6 gardes dans le parc (1600km2). Il en faudrait 34.
J’enrage : Laetitia a vu un chouette sortir de son nid, un cadavre de damalisque mangé en partie par un lion, et plein de damalisques (64), et d’hippotragues.
Alphabétisation : Avec Manga, et Adda. Manga part rapidement avec des clients. Adda se débrouille assez bien. Je lui ai laissé un exercice. Saïd aurait bien aimé que je m’occupe de lui. Je lui ai promis pour demain.
Faire une note aux volontaires sur les dangers des ornements des caractères des planches alphabétiques qu’ils imitent aussi comme partie de la lettre (refaire les planches).
Retour à 12h. Déjeuner à 12h30. Un des couples de mignons silverbills copule brièvement sur une branche puis se bizouille tendrement côte à côte (ça t’a plu chérie ? hmmm trop chouette, on recommence bientôt ?) - ce que j’ai vu ces oiseaux faire souvent - cf plus haut - avant de retourner s’occuper de la préparation de leur nid dans le paillage de la toiture de la terrasse, mais qu’ils abandonneront plus tard semble-t-il.
Dimanche 12 mars
Première journée mare. Equipe avec Caro.
Je ne tire pas la bonne mare - celle des oiseaux -. Faisons avec. Notre guide est le gentil Boukar. Il a emporté son livre de chevet "Apprentissage de la lecture pas à pas".
La mare d’Anane est assez encaissée, sans doute profonde, avec des berges abruptes, que les oiseaux aiment moins que la mare de Bouadalaram très ouverte et plus grande, où nous avons trouvé un jeune milan mort en déposant l’équipe d’observateurs (photo).
L’observation commence à 7h30, retardée par un feu de brousse le long de la route que Salé a décidé de faire éteindre et envoyé le véhicule chercher des gardes pour cela.
Le ciel est occupé par les innombrables milans, la terre par les innombrables groupes de pintades. Un pygargue à tête blanche vient se poser un moment dans un arbre près de la mare. Vanneaux (spur-winged et black-headed), grande aigrette, 3 ibis sacrés s’installent. Trois busards des sauterelles (grasshopper) passent en famille.
Quatre cigognes à cou laineux (woolly-necked). Le défilé des singes patas, très méfiants, très vigilants, toujours sur le qui-vive, commence. Observation et tentative d’identification de quelques passereaux (voir liste). Une famille de gazelles de Thompson vient boire.
Délicieux spectacles. Un groupe conséquent d’hippotragues (antilopes cheval) approche prudemment en nous lorgnant du coin de l’œil et se décide doucement à approcher de l’eau où finalement certaines d’entre elles s’immergeront jusqu’au garrot après s’être désaltérées.
Il est près de midi et il commence à faire très chaud. Certaines des antilopes sont déparasitées par des oiseaux qui volètent sans cesse autour d’elles quand ils ne se reposent pas alignés sur le dos de leurs hôtes-mangeoires (yellow-billed oxpecker, pique-bœuf à bec jaune).
Une personne apparaît, observée et signalée par Caro. Sans doute un braconnier. Boukar lui part au train pour l’intercepter. Mais un troupeau de buffle apparaît bientôt, qui sent l’eau de loin et se met à galoper vers la mare. Il s’agissait donc du berger. Troupeau venu en terrain interdit depuis la limite du parc, à 7km environ de la mare. Photos. L’enquête suit son cours.
Un autre troupeau d’hippotragues arrive bientôt, très méfiant, qui s’éloigne lorsque Caro se place devant les roseaux pour les photographier, ce qui me fait bouillir. Je lui demande de s’écarter. Il passeront l’après midi aux alentours de la mare, avec une tentative presque aboutie et quelques bêtes se décidant à boire un peu. Il semble que l’odeur des buffles les ait peut-être dérangées car elles avaient un réflexe de répulsion et de fuite en humant la surface de l’eau.
Linus Ambassa apporte le repas de chez Jeanne vers 13h. Un capitaine du Logone cuisiné à la mode locale. Très bon.
Il fait très chaud.
Après midi semblable avec un groupe de 20 singes patas et cinq petits accrochés sous la mère (Ségolène et Michel en ont vu 90 à Bouadalaram).
Visite de touristes canadiens de Toronto et d’une allemande en ONG à Ndjamena. Causette.
Et les hippotragues qui tournent toujours autour du site. Dégonflés ! Le mâle dominant devait être un peu trop farouche car les précédents n’avaient pas fait tant d’histoires. Ils seront toujours là à l’heure du départ vers 18h15 attendant que la voie soit libre.
Lundi 13 mars
Transect vide. Rien vu. Mais Manga a trouvé un fruit orangé superbe, genre de petit cucurbitacé, produit par une liane, et que consomment les porc-épics. Il y avait des restes d’autres fruits consommés sur place. Je l’ai offert plus tard à Ségolène.
Oiseaux :
- Petit guépier vert = little green bee-eater.
- Grand rapace blanc à bout des ailes et autres taches, noires ? . Vautour sans doute.
- Type bruant tête gris moyen, ventre gris pâle, dos brun.
- Tout noir profil mocking-bird (californien). Barres blanches sous la queue.
Arrivés à la piste, en attendant le 4x4 qui doit nous ramener, nous bavardons, et Manga me montre ses grigris: "Avec
ça" dit-il "le lion passe devant moi et ne me voit pas". Et il a vraiment l'air d'y croire. La foi qui sauve ?
A l'alphabétisation, Manga a tout oublié ce matin. Je finis par lui demander s’il va bien. Il se plaint de douleurs au ventre. Mais il pense que cela va mieux. Il va aller à la consultation.
Rien noté sur le parcours de suivi de l’après-midi. Famille d’éléphants sur la route qui nous oblige à faire demi tour.
Je me fais charrier parce que j’ai cru voir un lion se déplacer derrière les herbes, lion qui se révèle être un damalisque lorsqu’il relève la tête. Déluge de railleries (affectueuses).
Mardi 14 mars
Journée libre. Nous avons loué une voiture pour aller dans le Yaéré, région de savane totale du parc, riche en faune. Notre guide est Ar. Ce devait être Manga, mon guide au quotidien, mais il a dû partir avec un groupe de touristes.
Départ un peu retardé vers 6h30 vers la mare de Tchikam via les mares de Kalia et Magala. Beaucoup de grands rapaces autour des mares traversées. Grande outarde sur une mare (photo). De magnifique paysages de savane apparaissent au fur et à mesure que l’on progresse vers l’est. Grands troupeau de Cobs de Buffon en arrivant à Saourware.
Nous apercevons au loin un troupeau d’éléphants qui s’éloigne. Après discussion il est décidé de l’approcher. Marche d’approche un peu nerveuse. Nous arrivons à 150-200 m du troupeau. Nous sommes sous leur vent. Le spectacle est vraiment d’une extraordinaire beauté. Emotion. Plein de photos. J’ai gardé en moi cette vision du troupeau en ligne, dans une brume légère qui accentuait le sentiment de rêve d'enfant qui s'accomplissait, avec le profil des animaux en léger contre-jour, finement irisé de la magnifique lumière matinale. Les hérons garde-bœufs quand ls n'étaient pas perchés sur leurs dos, ourlaient le troupeau de la dentelle de leur vol précieux. C’était divin. J’en ai perdu mes lunettes de soleil en mitraillant. Ar les a retrouvées un peu plus tard sur le chemin du retour.
Nous revenons à la mare, comblés par ce moment unique. Ségolène trouve un tibia d'éléphant qu'elle décide de rapporter (elle le rapportera à Genève, Suisse !).
Route ensuite à travers la savane, vers Tchikam, pas très loin de là, au milieu des groupes de Cobs de Buffon qui paissent ou qui folâtrent. La mare est entourée d'une zone boisée, elle même entourée d'une prairie humide, reliquat de l'inondation annuelle.
Le secteur de Tchikam est bourré d’oiseaux à un niveau qu’on n’imagine pas. Il y a des dizaines de milliers de tisserins qui se déplacent en vols compacts parfaitement coordonnés et qui constituent des nuages immenses qui se déforment dans un mouvement collectif quasi fluide dont je serais curieux de connaître le mécanisme dynamique. Leurs cris forment un bruit de fond symphonique permanent dont le familier des lieux doit être las, mais qui sonne merveilleusement à l’oreille du visiteur que je suis, ajoutant à l'émerveillement visuel. Les groupes de dendrocygnes, oies d'Egypte, becs ouverts, cigognes africaines, grues couronnées, évoluent au sol ou en vol dans une fantastique, féérique parade. C'est le paradis terrestre.
Déjeuner à Tchikam à l’ombre d’un grand arbre. Observation de ravissants jacanas sur la végétation de la mare (voir liste). Beaux aigles en arrivant : 2 pygargues à tête blanche et un aigle non identifié. Joli waxbill à ventre vermillon. Caro déprime dans un coin.
Après discussion, route l’après-midi vers Andirni, le village de Manga qui est une autre entrée du parc. Longue route, cahotique, éprouvante. Chaleur terrible. La piste s’améliore sur la fin (10 derniers km). Le village est traditionnel, constitué des cases circulaires aux murs de paille et au toit de chaume. Je prends des photos en pensant à Arno et à Kirikou. Accueil habituel des enfants (bic, cadeau, cadeau, cadeau), cordial des hommes, plutôt agressif des ados. Ils rêvent de télévision, de mobylettes, et de super marchés. Je ne peux pas essayer de les convaincres - ils ne parlent pratiquement pas le français - que leur vie de jeunes peuls sera sans doute plus riche entre leur case, leur champ de mil et leur troupeau de buffle, que dans une banlieue sinistre entre leur télé et leur super-marché. Les femmes en boubous aux couleurs si vives passent, indifférentes au tintamarre qu'a déclenché notre arrivée. Elles vaquent à leurs affaires domestiques, depuis ou vers leurs cases, un paquet ou une calebasse sur la tête. Elles sont vraiment magnifiques.
Puis long retour à Waza (45km de piste, 2h) sans voir un lion hélas, mais plein de girafes. Au crépuscule Ségolène voit un lion qui n’est qu’un duo de motocyclistes qui roulent un peu loin devant nous. Abondantes et ostentatoires esclafferies. Je prends ma revanche sur ma confusion de la veille. Mes lions ont des cornes, ceux de Seg ont deux roues portent un T-shirt.
Longue journée, épuisante, mais quelle joie.
Dîner chez Jeanne. J’appelle brièvement Magali avec le portable de Michel Bousquet. Tout le monde au lit tôt. Je rédige mes notes puis j’écris à Arno sur le thème de Kirikou. Bonheur du soir.
Mercredi 15 mars
Transect dans la savane et l’herbe à éléphant. Solide partie de mange poussière, la pire depuis le début du séjour. Pas mal de damalisques et d’hippotragues au début, puis plus rien jusqu’à l’arrivée à la piste.
Alphabétisation : on fait présenter un animal à chacun des guides. Initiative de Jean-Hugues. Ça marche bien.
Manga a filé voir un médecin à l’hopital. Il m’a parlé de douleurs abdominales latérales, en gros à l’emplacement des reins. Je lui ai demandé s’il pissait clair. Il a dit que oui. Je suis un peu inquiet.
Journée assez torride.
Parcours du soir. Plein de girafes, et des phacochères, antilopes-cheval et damalisques et cobs, et quelques gazelles. Une famille de 4 éléphants dont une mère et son bébé qui se laissent photographier avec complaisance. J’engrange les images. Toujours pas de lion.
Jeudi 16 mars
Transect en pantoufles. Hippotragues et damalisques. Des ossements d’éléphant. Vieux mâle selon Manga. Photos.
Fin de transect en limite du parc. Passage dans les champs de mil fraîchement moissonnés, et pâturés par des troupeaux de buffles et leurs bergers. Ambiance agréable. Photos merdées par cache objectif pas ouvert. Dommage pour Arno.
Ambassa nous attend avec un maraudeur de gomme arabique et la preuve de son forfait : deux sacs de gomme. L’accusé proteste véhémentement de son innocence. Lui et son vélo sont embarqués sans ménagement sur le pickup. Vive discussion en langue locale entre les guides et lui. Manga est très agressif. Il s’agit d’un ressortissant tchadien installé à Waza. Ah, ces étrangers ! D’après Adam Saleh, il a été mis en garde à vue et sera déféré au parquet bientôt. Il risque trois mois de prison.
L’après-midi suivi écologique des mares sans histoire.
Le soir je monte sur le rocher pour voir la plaine africaine la nuit. La pleine lune me gêne. Je trouve la nuit un peu blafarde de Caspar David Friedrich là où j’espérais la nuit étoilée, noire, profonde, de Van Gogh. Déception. Mais je m’attarde avec plaisir dans cette contemplation. Je pense à ce que je vais écrire à Arno et je les imagine lui et Elisa en regardant vers le nord, au-delà du désert et de la mer et des montagnes du sud de la France dormant dans leur lit de leur beau sommeil d’enfants. Emotion. Forte impression.
Un bruit furtif me fait tourner la tête, une silhouette animale disparaît furtivement dans la pénombre, derrière un rocher un peu en contre-bas du sommet du dôme où je suis posé. Allure de gros chat, queue claire. J’attends un peu, et je vois l’animal arriver droit vers moi dans la nuit, par l’autre coté du rocher. Je l’éclaire de ma frontale. Il se fige. C’est une superbe mangouste, de la taille d’un (très ?) gros chat, aux yeux noirs brillants, petites oreilles et pelage gris. Elle hésite face à ce petit soleil inattendu. Je sors l’appareil photo digital, je l’allume, je la cadre au viseur, et je la flashe. Finalement elle décide que cette débauche de lumière est de peu d’importance et poursuit sa progression pour passer en contre bas-de ma position d’environ deux mètres. Là, je la cadre de profil, magnifique, un peu de zoom et clac, une de plus. Elle saute sur un rocher sur ma droite et se retourne vers moi. Troisième flash. Je jubile. Je fais du bruit en me tournant un peu, elle prend peur et s’enfuit. Je regarde mes photos. Le cache objectif de l’appareil ne s’est pas ouvert (il faut l’aider du doigt depuis le 2ème jour ici). Merci Canon A620. Une ou deux dizaines de photos perdues à cause de cette connerie. Je rentre au boukarou vert de rage.
Vendredi 17 mars
Notre dernier transect. Même départ que le premier jour, mais avec un cap de 70° au lieu de 90°. Troupes d’hippotragues au début du parcours. Plus rien, comme toujours, dans les acacias seya. Manga pirate pour moi quelques paquets de gomme arabique.
En rentrant je contacterai Nikon-France pour essayer d'obtenir quelques paires de jumelles pour les guides du PNW.
J’apprends de Manga que le haricot d’acacia seya sert à nourrir les cobs de Buffon lorsqu’ils sont tombés au sol, et les girafes lorsqu’ils sont sur l’arbre. Elles savent les attraper sans se piquer aux aiguilles redoutables de l’acacia.
L’après-midi exposé d’Adam Saleh sur la méthode des transects (à ma demande). Généralités sur l’historique de l’évaluation de la faune du parc, sur les intervenants dans l’évaluation (Ecole de Faune de Garoua, qui forme des techniciens type ONF), et sur le contexte international (CITES, IUCF, etc..). Il est en relation avec l’ONC en France… Je reste un peu sur ma faim.
La lionne :
Suivi écologique en fin d'après-midi. Ar, le guide, nous accompagne. Nous approchons de la mare de Louloumbaya quand Ar dit sobrement "Lion !". Le camion s’arrête, tous figés, respiratin retenue, les coeurs cognent un peu, et toutes les têtes se tournent vers l’arbre que montre Ar à une grosse centaine de mètres de nous, et au pied duquel une lionne est couchée et somnole à l’ombre du soleil déclinant. Linus redémarre et contourne le secteur pour aller se placer à peu près à la même distance mais sur la zone de terrain découvert entre l’arbre et la mare distante d’une cinquantaine de mètres de la lionne. Nous l’observons un long moment.
Elle fait sa toilette comme un gros chat et se lèche les pattes avec application tout en nous observant d’un œil curieux, un peu dédaigneux, et fixement parfois après avoir relevé la tête, avertissement sans frais.
Soudain, elle tourne la tête vivement et se dresse prestement, la croupe abaissée. Un phacochère vient d’apparaître à une cinquantaine de mètre d’elle, se dirigeant vers la mare et donc vers elle. Elle s’aplatit, oreilles baissées et regarde arriver sa victime probable, laquelle poursuit sa progression en fouissant à droite et à gauche à la recherche de quelque racine, sans avoir rien remarqué (alors qu’ils détalent immédiatement lorsqu’ils nous voient à 100m, ce qui me rend cette scène assez incompréhensible). Le phacochère passe à une dizaine de mètre devant la lionne dans la plus grande quiétude en quête de nourriture et en route pour se désaltérer dans l’eau de la mare. Il oblique à sa droite pour contourner un buisson au pied de l’arbre. Obliquer à gauche l’aurait amené droit dans la gueule du fauve. La lionne se dresse alors et lui emboîte discrètement le pas en contournant le buisson derrière lui. Le phacochère réapparaît de l’autre coté et se dirige en trottinant vers la mare dont il est séparé par l’espace libre d’une cinquantaine de mètres. Il a accompli une bonne partie du parcours, lorsque la lionne pointe son nez de derrière le buisson, comme au cinéma. Elle s’engage à son tour dans l’espace libre et commence à trotter avec application, comme si elle cherchait à ajuster son tir. Puis elle accélère progressivement et finit par lancer l’attaque dans un galop d’une beauté et d’une puissance prodigieuses. Elle percute le phacochère au moment où il atteint le talus qui descend à la mare qui n’est plus qu’à quelques mètres. Il est sans doute totalement surpris. La mêlée mortelle qui s’ensuit est un moment terrible. Tourbillon de poussière, cris fous du phacochère, rugissements du fauve, corps furieusement emmêlés, paroxysme de fureur prédatrice et de terreur mélées. Violence inouïe. La scène dure une longue minute à la fin de laquelle on n’aperçoit plus de la lionne que son dos, et de sa proie que les pattes désespérément dressées vers le ciel et agitées de spasmes poignants et dérisoires qui s’éteignent doucement. Elle procède avec application à la mise à mort.
Le calme et le silence sont revenus sur la mare où les dizaines de canards qui barbotaient et de limicoles qui pâturaient les berges, n’ont prêté aucune attention à la scène, tragédie ordinaire que se joue en permanence le peuple des animaux de la savane, et qui leur est trop familière pour les émouvoir. La lionne tire ensuite en plusieurs étapes sa lourde victime à l’écart de la mare dans les hautes herbes de la savane pour la dévorer. Elle y sera encore le lendemain lorsque nous reviendrons pour la journée de surveillance de la même mare. Il ne reste de la bataille qu’un coin de terre sèche de la mare, labouré et sanglant, et une longue trace sur le chemin du corps du phacochère traîné vers la cache où il sera dévoré.
Toute l’équipe est sans voix, émerveillée et émue à la fois, d’avoir pu assister en direct à cette scène unique. Retour au camp silencieux alors que tombe la nuit.
Samedi 18 mars
Journée mare à Louloumbaya, avec Caro et Boukar à nouveau. Longue et belle journée.
Début 7h30. Relevé de mes notes manuscrites sur les observations autour de la mare :
Phacochères (2), Damalisques (13), Vautours percnoptères, Marabouts (3), canards bec-en-bouton (knob-billed duck), antilope-cheval (Hippotrague, 1, vieux mâle), canards à tête blanche( White-faced ducks), Vanneaux à tête noire (black-headed lapwing), african mourning dove, Tawny eagle, aigle botté (booted eagle), Echasse blanche, lappet-faced vulture, laughing dove, aigle serpentaire, oui oui oui ! photos ! plusieurs passages, Gabar goshawk (autour), busards cendrés (plein de), Tisserins (quela quela), Namaqua dove (tourterelle, très commune), grues couronnées, cobs des roseaux, lesser kestrel (mâle), busard africain (grand, mais masque blanc et pas jaune ? bien signé néanmoins), Whalberg eagle, guêpiers carmin (vol de 50-100 individus), faucon lannier (juvénile), vautour moine, girafes (troupeau de 26 ! superbe), chacal, phacochères, girafes (8), hérons à tête noire.
Le matin, des guides du parc accompagnant des touristes sont venus nous dire qu’ils avaient localisé la lionne d’hier soir, et nous demander la permission de l’approcher. Sans bonne raison de refuser nous leur avons demandé de ne pas la déranger, ce que les conducteurs des véhicules se sont empressés de faire. Elle a abandonné sa proie et filé, poursuivie par deux véhicules pleins de touristes avides. Sagouins. !
Il reste aussi que cette lionne était seule et sans la portée qui devrait aller avec. Situation inhabituelle ?
Retour à 18h30. Belle journée.
Dimanche 19 mars
Dernier suivi écologique le matin. Petit groupe d’éléphants, approchés à pieds (photos), cigognes à cou laineux, Calao (de loin, mais sûr).
Après-midi – cérémonie d’adieux dans le bâtiment d’accueil du parc, avec l’administration du parc et les guides. Fort sympathique. Chacun y va de son petit couplet. Ségolène commet une jolie tirade, joliment spontanée, qui lui ressemble. Photos.
Je dis de mon coté que cette expérience m'a transformé, que je la recommencerais sans doute, ailleurs sans doute, mais que nos amis de Waza sont à jamais installés dans nos coeurs. Nous remettons à nos guides des cadeaux souvenirs, prétextes pour les équiper un peu: Manga parcourait les transects avec une veste de ville (voir photos) et des chaussures de ville. Je lui laisse mon pantalon de brousse et mes chaussures de randonnée, l'ensemble est récent et devrait lui faire un moment.
J'observe enfin un red-cheeked cordonbleu (mais blue waxbill (southern cordonbleu) observé dans la savane, le 11 mars), avec une very conspicuous tâche rouge à la joue.
Dîner avec nos guides le soir. Très agréable. Un peu d’émotion. Photos. Remise de la collecte d'argent. On danse un peu. Trop peu. Ség avec Akoura ou Bra, que j'ai toujours un mal fou à les distinguer l'un de l'autre. Akoura ou Bra sont deux
frères de 13-14 ans. D'adorables mouflets. Chaque soir, ils s'agglutinaient obstinément avec une myriade d'autres gosses du
village devant la porte du restaurant, encourant les foudres récurrentes de la patronne qui n'était pas commode, Là, lorsque nous
sortions, ils nous offraient des figurines d'argile, paillotte, gazelle, crocodile, éléphant, etc..., qu'ils avaient confectionnées pour
nous. J'ai toujours celles qui m'ont offertes. Une ou deux ont été cassées dans le voyage.
Après la petite fête un essaim de gosses nous raccompagne. Je demande à A&B ce qu'ils souhaiteraient qu'on leur fasse
parvenir depuis la France. Un livre de Science. En rentrant je leur en ai trouvé un superbe que je leur ai fait passer par une
volontaire. J'ai reçu en retour des petits cadeaux au fil des fournées de volontaires. J'espère avoir l'occasion de revoir A&B
un jour.
Bouclage des valises pour départ à 3h30 du matin.
Lundi 20 mars
Lever 2h45. J’étais réveillé bien avant. Petit dej’ à 3h. Départ comme prévu à 3h30. Route sur Garoua. La nuit défile d’abord, mystérieuse comme toujours. Le sommeil est absent. J’ai un œil sur les étoiles. On voit passer dans la lumière des phares du minibus de temps en temps, un vélo, parfois chargé de bois ou d’autre matériau, ou un piéton qui s’achemine vers quelque destination inconnue. Cahots lorsqu’il évite un grosse baignoire ou croise un gros camion dans un champ de nids de poules (pintades plutôt). Puis l’aube apparaît doucement. Le paysage sous l’horizon prends forme. Le point du jour révèle lentement les villages qui défilent et qui s’animent. Je dors dans l’heure qui précède l’arrivée à Garoua, à 8h30.
Le vol a deux heures de retard, mais l’avion décolle. Michel nous accueille à Douala. Valoche de Ségolène manquante. Récupérée le lendemain au départ sur Paris.
Le soir dîner au restaurant où nou sommes invités par Michel Bousquet. Puis soirée dans la boîte de nuit Le Saint Père, joyeuse et très tumultueuse. Découverte du peuple des nuits africaines. J'achète une bouteille de scotch pour assurer la convivialité et mettre la météo de la communauté au beau fixe. La collaboratrice locale de Michel B. qui nous a été présentée au dîner, nous fait un numéro de danse solo, seule sur la piste, en tout début de soirée, assez étonnant, vaguement grotesque à mon goût. Elle est vétue de manière minimaliste et assez provocante, une simple résille, donc abondament ajourée, lui couvrant le buste. Bizarrement elle ne mettra plus les pieds sur la piste ensuite, réfugiée dans les bras de son collaborateur, qui en semble fort aise, elle passera la soirée sur sa chaise.
Pour les autres, la folle nuit ne fait que commencer, les premiers bouchons ayant sauté. Tout le monde sur la piste. Les filles de Douala sont d’une incroyable et réjouissante convivialité. L’œil joyeux, si gentiment, fraîchement, malicieusement, délicieusement complice, si aisément allumé quand les regards se croisent, au hasard des errances de chacun dans la foule mouvante et vibrante, et dans les lueurs fantomatiques du ballet aérien des projecteurs qui déchirent l'obscurité des violentes couleurs de leurs faisceaux.
Bienheureuse immersion dans les profondeurs de la belle, émouvante, secrète, lumineuse opalescence du regard retenu, où l'on croit voir alors s'étirer les ombres mystérieuses, indéchiffrables, de l’âme féminine. Mystère masqué du sourire comme on le rêve, frais et spontané, qui dit l’invite, la promesse, nu comme le désir, sans ostentation ni impudeur.
Je me leurre sans doute sur la spontanéité, mais il faisait tellement bon y croire. Merci à l’Afrique pour ses belles à l’âme si fraîche et à l’hospitalité si généreuse. Les danseurs, les bouteilles, les danseuses, ont tournoyé longtemps cette nuit-là, comme des lucioles autour d'un lampadaire. Chacun a vécu sa transe. Seg a sombré doucement sous les assauts répétés d’un gars de la navale, dans l'écume de la nuit. Retour à l’hôtel au petit matin vers 4h sous un ciel qui annonce l'aube, tous un peu ivres, épuisés, et ravis.
Mardi 21 mars
Ballade en ville. Déjeuner au restau Le Berlin, suggéré par Alice. Sans intérêt. Prix dissuasifs.
Passage à la piscine de l’hôtel de Michel. Puis retour à l’hôtel de la côte. Dernière bière.
Départ pour l’aéroport sous le déluge mémorable d’un orage tropical. Retour ordinaire.
Fin du voyage et de l’histoire
liste des oiseaux observés à Waza
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Partez en mission avec Planète-Urgence
Michel Buénerd, contact:
buenerd.michel@wanadoo.fr